top of page

Voyage dans le temps au hammam de Boukhara!



J’avais déjà vécu un moment suspendu, hors du temps, une expérience inédite et hilarante entre copines dans un hammam traditionnel de quartier à Fès il y a deux ans; c’était donc logique de tester cette fois le hammam en Ouzbékistan ; ici le hammam se réserve, j’avais donc ma séance au hammam des femmes derrière la mosquée Poy Kalon de Boukhara à dix heures en ce lundi matin. C'est un hammam du XVIe siècle qui a été restauré et offre un grand plongeon dans le temps! A ma grande surprise, je suis seule! Voilà l'occasion rêvée de garder mon téléphone près de moi pour capturer l'ambiance et le secret du lieu. On me fait me déshabiller dans un joli vestiaire à l’ancienne : claquettes, peignoir, je suis une jeune fille qui m'emmène dans les couloirs semi-enterrés et les petites pièces sous coupole de ce splendide hammam, elle me fait asseoir sur la pierre et je comprends que je dois "poser" là une dizaine de minutes. J'adore l'odeur de la pierre humide, on ressent pleinement la solennité des lieux et on imagine les générations et générations de femmes qui sont passées ici depuis la nuit des temps! On a l'impression d'être au hammam dans une cathédrale! Je me laisse bercer par le bruit continu de l'eau qui coule et du goutte-à-goutte derrière les murs... Je commence à trouver le temps long, voilà maintenant trente minutes que patiente, la jeune fille revient enfin pour commencer mon nettoyage! Elle remplit des bassines d'eau brûlante, et me frotte dans un premier temps assez vigoureusement avec un gant de coton pour enlever les peaux mortes : assez intensif mais rien à voir avec le supplice que nous avions vécu à Fès!! Puis vient le moment du savonnage, au pain de savon de notre enfance, genre Bébé Cadum : elle savonne consciencieusement chaque bras, chaque jambe, le dos, le ventre, le cou… elle me propose de baisser la culotte, dans un élan de pudeur, après quelques secondes d’hésitation, je refuse! Il n’y a bien qu’en post-césarienne que je suis prête à ça! Elle sourit… Le visage aussi est savonné, avec un massage appuyé des globes oculaires, elle me nettoie les cils, les sourcils, tout est détaillé!! J’ai également droit au shampoing, je vais être propre! Arrive le rinçage, le meilleur moment : l’eau est brûlante mais enveloppante, c’est tellement agréable de se faire rincer ! L’eau savonneuse coule sur la pierre, se faufile dans les joints, dessine des petits ruisseaux bulleux, la cathédrale sent maintenant le savon! On passe ensuite au massage : la jeune fille me fait m’installer sur une table en pierre, qui trône au milieu de la pièce centrale, et qui fait, on peut le dire, un peu autel sacrificiel!!! Sur un morceau de tissu, je m’allonge, et c’est parti pour un massage bien appuyé de chaque groupe musculaire: elle alterne entre malaxage, tapes avec les tranches de ses mains, carrément grandes claques dans le dos et puissant appui de chaque côté du rachis pour me faire expirer… forcément je souris intérieurement en pensant à Gérard Jugnot dans les Bronzés… merci les références! Le massage des pieds est agréable, chaque orteil est trituré. Il faut maintenant passer à la phase finale de la séance : le gommage. Il se fait ici avec un mélange d’épices et de gingembre, qu’on m’applique sur tout le corps: la substance est rouille et granuleuse, ça ressemble à de la harissa, j’ai l’impression de me transformer progressivement en merguez marinée! Et il faut laisser poser… c’est là que l’effet se fait sentir : chaque partie du corps se met à chauffer progressivement, et on laisse la chaleur vous envahir! Il faut tenir le coup, assise sur la pierre: elle m’a dit dix minutes, on patiente côte à côte, dans le silence du goutte à goutte, puis vient le dernier rinçage, la chaleur de l’eau est décuplée sous l’effet des épices, cette fois je suis obligée d’enlever la culotte pour me rincer complètement, mais finalement c’est libérateur! Je remets le peignoir et les claquettes, et je rejoins le vestiaire pour un thé aux épices : un bonheur de ressortir dans l’air frais de la fin de matinée, avec cette lumière superbe sur les monuments de Boukhara, et l'odeur réconfortante du savon qui m'accompagnera toute la journée… Nous poursuivons les visites de la cité avec Pelotchoh : Poy Kalon avec son minaret, sa mosquée, sa madrasa Mir-I-Arab, le mausolée Ismael Samani, du Xe siècle, enfoui sous le sable et découvert en 1930, parfaitement conservé : c’est le second mausolée le plus ancien du monde musulman, et sa forme cubique est composée de différents symboles de l’univers: mystique! Passage au bazar de Boukhara, si dense, si riche! On fait le plein d’épices : le marchand compose devant nous son mélange dans une danse manuelle impressionnante, un vrai magicien, il nous fait sentir le résultat: envoûtant… on achète aussi de la tisane aux épices et du miel de fleur de coton (nos bagages sont délicieusement odorants!) avant de retourner nous perdre à deux pour la fin de journée dans la cité: c’est la chasse aux souvenirs pour la famille, et vue la profusion de ce qui est proposé, on a bien du mal à choisir! Echarpes en laine de chameau, étoffes de soie de Boukhara, manteaux de coton, tapis, ébénisterie, cisellerie sur métal, peintures miniatures très colorées (ils sont formidablement doués pour ça), chapeaux brodés de coton ou de velours, bijoux en argent ou en bronze, on en prend plein les yeux et on se perd avec plaisir dans les entrailles des boutiques de toutes ces anciennes madrasa….




Comments


bottom of page