J’aurais aussi pu appeler ce récit « danse avec les raies manta … et galette party!! » : non non je ne parle pas d’une bonne soirée bretonne… (!!!), mais ça aurait été moins vendeur (quoique..).
En ce deuxième soir sur l’île de Hawaii, on a réservé une sortie nocturne avec Pierre et Basile.
Voilà la spécialité de Kona- la ville au nord de notre cocon- l’observation, de nuit donc, des raies mantas.
On est très excités, tout en appréhendant une éventuelle déception.
Rien que rejoindre le lieu de rendez-vous est une épopée : on comprend en dernière minute qu’on doit se rendre aux bureaux de la société dans un centre commercial, bureau qu’on ne trouve pas. On prend l’initiative de nous rendre sur le port, en pensant qu’on trouverait le guide: que nenni. Nous voilà repartis sur le centre commercial, après un appel pour se mettre au clair. Forcément, on a raté notre départ, mais on nous reporte automatiquement sur l’heure suivante, ouf! On va donc aller à l’eau après 20h. On nous répartit en trois équipes, et on n’a jamais compris le nom de notre équipe, mais la famille (américaine d’origine asiatique) qui est avec nous ne semble pas bien comprendre non plus alors ça nous rassure! Nous voilà dans le noir sur un grand Zodiac éclairé par de toutes petites lumières rouges, avec une trentaine de personnes au total, dans la nuit noire et sur une mer assez agitée : le ton est donné !
Les équipes ont été composées pour pouvoir organiser les mises à l’eau les plus sécuritaires possible, chaque équipe étant affiliée à une sorte de plateforme qui ressemble à une civière, où il faut aller s’accrocher. On a tous une frite (ils appellent ça une « noodle » aux USA!, chacun ses références!) pour sécuriser la flottaison dans les vagues.
On s’amarre donc à ces « civières flottantes », portant des spots de lumière bleue qui éclairent l’eau, et il nous faut faire la planche, les mains accrochées à la rampe, les bras bien tendus, la poitrine calée sur la frite. Il se trouve que la lumière bleue attire le plancton, et avec les raies mantas, prêtes à un festin de reines!! On met la tête sous l’eau, et c’est immédiatement un spectacle extraordinaire qui s’offre à nous ! C’est un peu comme si on se retrouvait au milieu du frigo!!! Ou qu’on flottait dans le grand bain leur soupe géante!
Un ballet de haute-voltige totalement fascinant et intimidant explose sous notre nez: huit raies énormes dansent pour nous dans un tournoiement continu, une grande roue depuis les fonds jusque vers la surface où nous les admirons, et où elles viennent littéralement nous frôler, il faut même rentrer le ventre! Elles remontent vers nous la mandibule géante grande ouverte, comme prêtes à nous avaler, mais elles savent bien ce qu’elles cherchent, et glissent sur nous en nous offrant le spectacle incroyablement détaillé de leurs branchies, nous permettant de plonger au plus profond de leurs entrailles.
On ne sait plus où donner de la tête : en voilà une qui arrive, on la suit du regard, on tourne la tête à droite et voilà qu’en faisant volte-face, c’est une autre raie qui glisse contre notre nez avant même qu’on ait eu le temps de la voir arriver, son immense corps blanc tout lisse contre notre front. Je ne peux pas m’empêcher de rire nerveusement dans le tuba à chaque fois qu’elles me frôlent ainsi par surprise,
C’est je crois, le spectacle de la nature le plus extraordinaire qu’il m’ait été donné de voir dans la mesure où la proximité installée par les mantas est totalement bluffante. On pensait avoir mis la barre très haute avec nos raies léopards à Bora, nos raies mantas de jour à Maupiti et notre baleine qui caresse le bateau à Tahiti, mais là, C’EST WAOUUU !!! Ils sont agaçants ces Américains, toujours besoin de faire leurs intéressants avec des shows toujours plus grands, toujours plus beaux !
Elles font en moyenne trois mètres d’envergure, mais la proximité nous donne le sentiment qu’elle sont bien plus grandes encore!!! Elles volent contre nous, nous pénètrent de leurs regards, nous gobent de leurs mâchoires, je prends à deux reprises un coup d’aile qui ressemble à un coup de genou humain, c’est impressionnant de force physique alors que ça ne dégage qu’un sentiment de grâce…
Les guides s’appliquent à nous donner des tas d’explications en même temps qu’on les observe, mais on ne comprend rien : imaginez un Américain qui parle vite, dans l’eau, dans la nuit noire, dans les vagues et la houle, avec huit raies qui vous frôlent toutes les trente secondes, on a un peu de mal à gagner la concentration nécessaire pour décrypter les conversations! Mais ça ne gâche pas le spectacle, on est pleinement concentrés à profiter de la danse éternelle de ces géantes des mers.
Quarante-cinq minutes d’extase, mais on commence à avoir froid, et la houle nous malmène: au moment de gagner l’échelle du bateau, un par un, je comprends que mon voisin d’en face est en train de rendre tout son diner dans la mer… dans laquelle je trempe!!! Et dans le noir par dessus le marché !! Dégoutée, je me dépêche de remettre le tuba dans la bouche en protection psychologique et je prie pour que son repas coule instantanément au fond de l’eau !!!
J’ai peur de voir dans quel état va être ma peau en sortant, mais ouf, rien à signaler, pas de débris malencontreusement échoués sur moi !!! C’est en fait toute cette famille partenaire de notre équipe qui est malade… ils vomissent tous une fois arrivés sur le bateau, c’est la fête à la galette à tribord, les boudins du Zodiac s’en souviennent encore. C’est mal et c’est sûrement à cause de l’euphorie du spectacle qu’on vient de voir, mais avec mon homme et mon fils on est pris de fous rires nerveux incontrôlables, et on n’ose plus poser nos pieds au sol.
Mais ce que j’adore et j’admire le plus avec ces Américains (c’est peut-être lié à leurs origines asiatiques ? Cette façon de rester discret et humblement soumis ?), c’est que même malades comme des chiens, ils trouvent encore l’énergie d’applaudir le capitaine qui nous fait son petit show habituel de « alors c’était pas fantastique ??? On a passé une soirée géniale » : et tout le monde applaudit, et les voisins aussi alors qu’ils sont penchés au dessus de la mer blancs comme des cachets d'aspirine... Des dingos je vous dis !!!
Alors voilà, clairement, nous avons vécu ce soir une expérience totalement hors-normes !!! Inoubliable pour le spectacle dans l’eau comme sur le bateau !
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