Nous avons donc posé nos sacs à dos dans le parc d’état du Wai'anapanapa : un nom bien difficile à prononcer du premier coup pour un endroit sublime.
On commence par une petite balade sur le sentier côtier qui longe l’océan depuis les falaises sombres de roche volcanique. On arrive d’emblée sur la plage la plus célèbre du parc, « Black Sand Beach », dont le sable noir plonge dans le turquoise. La mer est forte, les vagues intenses, il est impossible de s’y baigner mais le spectacle des rouleaux s’écrasant sur le sol noir devenu blanc de mousse à chaque vague est fascinant. On repère d'emblée une tortue qui semble un peu se faire malmener par la courant, on essaie de ne pas la quitter des yeux, elle va et vient au grès des vagues.
L’ambiance est un peu sombre avec ces nuages gris au loin que seule une éclaircie vient de temps en temps illuminer.
Le vert de la végétation est éclatant dans ce noir minéral, et la progression très poétique au son du vrombissement des vagues qui explosent sur les falaises. En quelques mètres, encore une fois, on est tout seuls.
Ici une petite plage de galets sombre, là une gerbe de mousse qui monte à plusieurs dizaines de mètres dans le ciel comme un feu d’artifice, les claquements résonnent dans les anfractuosités comme le tonnerre dans une tempête. Dans ces moments hors du temps, Zoé trouve toujours l’occasion de lancer des discussions un peu philosophiques, à cet instant c’est la mort des enfants qui l’interroge : « et toi maman, dans ton métier, tu en as vu souvent des enfants qui sont morts ? Mais à cause de quoi ? C’est tellement triste… » Oui, c’est tellement triste ma poupinette que c’est pour ça que je vous emmène traverser le monde, que je veux profiter avec vous de tout ce que cette planète magnifique a façonné depuis des millions d’années, que je vous veux avec moi dans ces paysages incroyables, que je me fabrique des souvenirs pour la vie, et que je veux garder dans le coeur une part de votre enfance avant qu'elle ne vous quitte définitivement, ces 'éclats de rire et ces regards qui s’éclairent sur fond de contrées magiques inoubliables…
Après les moments de discussion profonde vient le temps plus pragmatique du montage du campement!
J’ai trouvé à Kahului, la ville principale de l’île où nous sommes hébergés, une boutique de location de matériel de camping, et j’ai ainsi loué une grande tente, des matelas de sol, des sacs de couchage et un petit réchaud. Le gars est très sympa et le retour du matériel peut se faire tard le lendemain soir dans un espace de stockage avec cadenas : génial.
On va être à l’aise dans cette grande tente 8 places (!), hyper facile à monter. Je suis toujours épatée de l’ingéniosité du matériel de camping des Anglo-saxons, qui pourraient faire une sérieuse concurrence à Décathlon si leurs prix étaient plus abordables !
On galère un peu en revanche avec le réchaud, qui, si il semblait super pratique dans la boutique, nous oppose quelques caprices pour faire bouillir efficacement l’eau des nouilles chinoises. On va mettre près d’une heure à obtenir de l’eau chaude, quand brutalement, sans comprendre pourquoi, le machin se met à parfaitement fonctionner… les joies du camping… aucun éclairage sur le site de campement, juste des toilettes basiques, on mange donc à la frontale sur une table sous les arbres, et - on n’arrive pas trop à savoir comment - on passe une super soirée malgré les conditions spartiates! Encore ce jeu du p'tit bac qui nous fait bien marrer (on a inventé une variante uniquement fixée sur les prénoms où la tournante continue tant qu’il y a des idées, avec élimination des candidats au fur et à mesure qu’ils donnent leur langue au chat, occasionnant des duels finaux bien rigolos!! Après avoir écumé les Fabrice, Fanny, François et Françoise bien sûr, on invente des prénoms en convainquant l’assemblée de leur légitimité (Fanette ?), on pioche dans les prénoms étrangers avec plus ou moins d’acceptabilité selon la fréquence du dit-prénom (Fabio, Frederico passent crème, grand débat sur « Fatoumata » qui a été bien sûr parfaitement accepté alors que mon « Fatim-Zora » est refusé : oui c’est plus rare, mais c’était le prénom de notre pétillante hôte marocaine de Taroudant qui nous a guidés au hammam et régalés de sa bonne humeur permanente).
Bref, ça nous fait nos soirées dans le noir!
On se couche tôt, alors que la pluie va s’inviter par cycles toute la nuit…
Vers 7h30, une petite éclaircie semble pointer son nez, j’en profite pour dresser le petit déjeuner sur la table la moins mouillée, bien abritée sous des grandes branches d’arbre, et alors que le thé était servi, une averse monumentale nous tombe sur la tête. Pierre et les enfants ne réfléchissent pas et foncent vers la tente, alors que je tente de rester sous l’arbre où il me semble que je serai moins mouillée si la pluie ne dure pas. Erreur fatale. Je continue obstinément d’ingurgiter mes céréales debout sous les feuilles, mais la pluie, que dis-je la tempête!, s’installe, et forcément je suis de plus en plus mouillée. Je suis même éclaboussée par les grosses gouttes d’eau qui tombent dans mon bol de lait, le visage constellé : un petit masque de beauté intéressant pour la journée…
Je finis par abdiquer et je fonce aux WC, on a fait plus glamour pour finir un petit déjeuner, et quand enfin la pluie diminue, je peux rejoindre la famille sous la tente, trempée.
La bonne nouvelle, c’est que je ne suis pas la seule : le sol de la tente et par conséquent un matelas et un sweat de Pierre ont été bien arrosés aussi, bonheur de tenter l’évacuation de l’eau, qui, si elle s’est facilement invitée, ne veut plus retrouver la sortie..
Il faut replier le campement pour dix heures, alors on s’y met - par chance l’averse est terminée -, mais on se presse avant qu’une nouvelle ne vienne gâcher tout le travail entamé.
Au loin les gerbes d’eau continuent d’éclater contre les falaises, le vent ravive les vagues... et la poésie du Wai'anapanapa dure pour l’éternité.
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