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Siwa: oasis de sel, de sable, et de bonheur...







Nous y voilà. 

Dans notre véhicule privé qui nous emmène jusque Siwa, une petite ville du désert égyptien, à 740 km et 10 heures de route du Caire, et 70 kilomètres de la frontière libyenne.

J’ai un peu hésité à faire cette escapade hors sentiers battus : j’avais la conviction que c’était une parenthèse hors du temps que tous ceux ayant osé l’expérience trouvent enchanteresse, mais les recommandations du site de l’ambassade, classant encore cette région en zone rouge, me laissaient quelques doutes. J’ai pris renseignements auprès de Français vivant en Egypte, tous étaient unanimes : aucun risque. Ceci m’a été confirmé sur place par Mathilde, bien qu’elle n’ait pas le droit de s’y rendre, en tant que professionnelle de l’Institut français, et surtout, une Française établie à Siwa nous a annoncé qu’elle avait pu discuter avec l’ambassadeur français récemment qui envisageait de très prochainement faire passer la zone en vert, à l’image de la sécurité actuelle et de longue date prouvée par la région.

Je ne fais tout de même pas la fière dans notre petite voiture. Je m’attendais à un peu plus de place, mais le chauffeur, dont l’anglais est balbutiant, a des manières élégantes, fait preuve de discrétion et de gentillesse qui sont là pour me rassurer.

Une fois installées, Zoé s’endort instantanément, alors que je peine à trouver le sommeil. On va tout de même traverser le désert égyptien pendant toute une nuit et approcher un pays aussi mythique qu’inquiétant, la Libye.

C’est une bonne route, toute droite, qui longe la Méditerranée pendant un peu plus de 400 kilomètres, avant de plonger vers le désert à hauteur de Marsa Mathru pour encore plus de 300 kilomètres.

Je finis par dormir environ trois heures, puis les check-point de l’armée s’enchainent, contrôlent nos passeports, ouvrent et vérifient le coffre, pas de doute, la zone est très sécurisée!

Zoé quant à elle continue de dormir à poings fermés.

Le soleil se lève vers 6 heures et éclaire le désert qui défile par la fenêtre, immense. Certaines portions de la route sont chaotiques mais le goudron revient rapidement.

Je sens que notre chauffeur commence à fatiguer, j’essaie de lui parler, lui montrer que je suis réveillée pour l’encourager, les 100 derniers kilomètres me semblent une éternité.

Finalement, nous arrivons à Siwa à 7h30, alors que la ville se réveille tranquillement.

C’est un gros village comparativement au Caire et ses 22 millions d’habitants : lorsqu’on la parcoure une première fois, on imagine 3000 à 4000 habitants alors qu’ils sont près de 50000! C’est insoupçonnable!

Siwa est une oasis du désert, c’est-à-dire une région naturellement irriguée par de nombreuses sources d’eau, dont des sources chaudes, riche en palmiers dattiers, et en lacs salés, une région idéale depuis la nuit des temps pour l’installation des populations qui y trouvèrent nourriture en abondance et assurance d’un approvisionnement continu en eau.

Aujourd’hui, c’est une région réputée pour ses cultures de fruits et légumes, pour son sel qu’elle exporte dans le monde entier, et pour son eau de source, industrialisée et distribuée dans tout le pays. Mais c’est aussi une région riche d’histoire, on ne sera pas en reste…


On a un peu de mal à trouver notre chambre d’hôtes, dénichée après de minutieuses recherches ; Baben Home est enfin devant nous. Les rues sont très sales, jonchées de déchets, les chats miaulent au milieu des détritus, les enfants hauts comme trois pommes sont déjà là à jouer sur le sable, et pourtant, il se dégage de cet endroit une quiétude absolue, dans le soleil qui monte et le braiment des ânes.

Quand j’ouvre la porte, toutes mes inquiétudes s’envolent. J’ai choisi le bon endroit, celui qui me correspond parfaitement.

C’est une maison en pisé avec sa cour intérieure, joliment décorée dans un esprit bohème de bric et de broc, qui s’effrite tranquillement, toute en simplicité et rusticité, subtilement éclairée par le soleil du matin.

La douche est sommaire, les toilettes sèches, la chambre monacale, la pièce de vie chaleureuse, on vient chercher ici un retour à l’essentiel, au confort minimum mais à l’ambiance sereine.

La rondeur des angles des bâtiments, des marches d’escaliers, les petites terrasses, tout est douceur, avec un gout d’inachevé, une maison d’artistes en somme.

C’est Gihed qui nous reçoit, tandis que Maryhan, la propriétaire, est absente aujourd’hui. 

Cette jeune femme Egyptienne du Caire est venue passer un mois ici pour se ressourcer et trouver l’inspiration. Elle est designer de pièces de vaisselle en poterie, tout à fait dans l’esprit du lieu!

On commence par une douche, bien fraiche!, qui nous donne un coup de fouet : on se sent renouvelées après cette nuit recroquevillées dans la voiture.

Puis Gihed et une tout jeune homme qui semble être le gardien des lieux, nous préparent un petit déjeuner : oeufs en omelette, haricots aux oignons et à la tomate, pain plat égyptien qu’on déchire, fromage frais délicieux, confiture, et un thé noir aromatisé aux clous de girofles dont je garde un souvenir parfumé réconfortant.

Nous discutons de son activité, elle déballe devant nous des pièces qui viennent d’être produites, c’est magnifique, je ne m’attendais pas du tout à trouver dans cet endroit si reculé, dans cette chambre d’hôtes toute simple, une si belle rencontre!

On prend le temps de se poser, notre guide ne viendra nous chercher qu’à dix heures.

Je fais ma lessive de chaussettes et petites culottes, alors que Zoé se voit proposer une séance de yoga avec Gihed sur la terrasse la plus haute: elle est ravie. La musique envahit les lieux, c’est totalement incongru dans cet endroit si campagnard, mais tellement bon! 

Les températures sont idéales mais quelques mouches tenaces viennent nous taquiner, particulièrement collantes en cette saison des dattes. 

On profite de ce temps qui s’étire pour se mettre aux devoirs, et Zoé est très motivée après sa séance de yoga, ça coule tout seul! Aurions-nous pénétré un espace-temps fait d’idéal ???


Dans le quartier un mariage se prépare ; les enfants ne vont pas à l’école, on monte des tentes énormes qui barrent la rue, tout le monde est excité, et à chacun de nos passages, on passe un peu pour des phénomènes de foire qu’on veut héler et prendre en photo!


Dans le reste de la ville par contre, on passe relativement inaperçues. Il y a d’autres touristes qui se promènent, les marchands ne cherchent pas une seconde à nous vendre leurs biens, c’est très étonnant, juste des « Welcome in Siwa! » enjoués, doux, souriants. C’est bien ce que j’avais lu à propos de l’endroit!


On perçoit ici, au travers des diverses personnalités qui y vivent, un étonnant mélange de traditions ancestrales et de modernité. Je pense à ce serveur du restaurant Abdu, notre cantine du séjour, qui, perdu à la frontière libyenne dans ce petit resto du bout du monde - alors que tous les hommes portent la tenue traditionnelle, la galabeyya, faite d’une chemise à col et à manches longues descendant jusqu’aux pieds, en coton blanc ou gris - se présente en pantalon, chemise et cravater avec une classe digne des plus grandes brasseries parisiennes, je l’ai trouvé très touchant. Tout en retenue, le geste délicat, mais ne parlant pas l’anglais ou si peu, j’aurais aimé pouvoir échanger avec cet homme qui semblait avoir en lui une autre dimension.

Je pense à Mohammed, évidemment, mon contact sur place qui a organisé mes journées, un vrai business-man plein d’attentions et débordé, qui manage plusieurs guides, et avec lequel nous avons des échanges très intéressants sur sa façon de mener son activité, de la faire grandir et de la faire s’épanouir, toujours à la recherche des critiques constructives pour pouvoir s’améliorer.

Et je pense à Maryhan également, la jeune propriétaire de Baben Home, venue du Caire pour tenter cette aventure : acheter une maison en ruines, la réhabiliter, la décorer dans cet esprit si à la mode tout en la conservant totalement dans son jus, y apporter un début de volonté écologique dans un pays qui n'y est pas du tout encore, et gérer seule ce projet dans un pays qui ne laisse pas de places aux initiatives féminines, ou si peu... Maryhan surveille même un deuxième chantier qui voit le jour avec son lots de difficultés. Tant de détermination dans un visage et une voix si doux...

Il semble que Siwa appelle à elle les gens apaisés, posés, réfléchis, qui veulent trouver ici un équilibre de vie loin du tumulte de la capitale.

Nous ne subissons aucun regard malsain, aucune intention malveillante, les gens font leur vie, ils semblent habitués à ce petit noyau de touristes qui découvrent tous les jours leur belle oasis.

« Welcome in Siwa »!.

La ville est active, chacun s’affaire, les motos pétaradent, les chats se faufilent, les ânes braient ou tirent les charrettes, les hommes s’invectivent, les femmes passent tout en discrétion, les enfants crient et s’esclaffent, les déchets sont partout, et pourtant il se dégage de Siwa une douceur particulière assez inédite, dans ce décor de sable et de feuilles de palmes chargées de dattes.

A la nuit tombée, c’est une autre féérie qui s’empare de la ville, éclairée de toutes parts par des photophores de sel, qui donnent un charme fou aux petits commerces des impasses, au pied des ruines de la vieille ville.

Détruite par de terribles inondations au début du XXe siècle auquel le pisé n’a pas résisté, la forteresse de Shali domine et veille ses habitants.

La découvrir seules au petit jour du deuxième matin n’a fait que prolonger l’enchantement…


De sel, de sable, et de bonheur, Siwa est une pépite qu’on voudrait garder un peu secrète…






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