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L'ours des Rocheuses, ou tout l'art de se faire désirer!

  • chamcamille
  • il y a 5 jours
  • 6 min de lecture
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Les Rocheuses américaines, comme les Rocheuses canadiennes qui nous attendent, sont le royaume incontesté de l’ours : on recense 400 à 600 grizzlis sur Yellowstone et sa grande région, les ours bruns sont plus difficiles à compter car plus abrités dans les sous-bois, mais ils sont probablement plus nombreux encore.

L’ours brun et le grizzli se partagent le territoire, avec chacun, outre ses particularités physiques, ses caractéristiques comportementales.

L’ours brun a une tête plus petite, alors que le grizzli a le chef plus massif, une bosse sur la nuque et un gabarit légèrement supérieur : le premier peut se montrer en plaine, le second reste abrité dans les forêts.


Quand l’ours brun fait preuve d’un comportement plutôt pataud si on ne l’enquiquine pas, le grizzli peut adopter une certaine agressivité naturelle qui fait toute sa dangerosité ; ainsi on nous a appris dès le premier jour de notre arrivée les attitudes à avoir en cas de face-à-face fortuit. Faire des grands gestes, du bruit et se grandir pour faire fuir l’ours brun, mais baisser les yeux et reculer en marchant face au grizzli; dans les deux cas ne jamais courir, ne jamais lui tourner le dos.

En cas d’attaque malgré le fameux « Bear spray » (elles sont extrêmement rares et plutôt liées à des comportements inadaptés de l’Homme) : faire le mort…. Oui, oui, facile à dire.


On a investi (à 57 dollars la bombe, oui, c’est un sacré investissement! Mais notre séjour va se prolonger aussi dans les Rocheuses canadiennes) dans une bombe anti-ours. Appelée également « bombe à poivre », ce petit nom trompeur pourrait faire penser qu’elle est inoffensive voire inutile. Ne vous y méprenez pas, c’est en fait un irritant puissant, efficace sur l’ours, imaginez donc sur l’Homme en cas d’exposition accidentelle ! On nous a expliqué que ça arrivait plusieurs fois par an et que ça finissait toujours à l’hôpital, on va donc être prudent et ne jamais désactiver le système de sécurité. Basile est en charge de la bombe sur chaque rando !


L’excitation est là. On le sait présent partout, et sortir du véhicule la nuit pour tenter un pipi peut demander de longues minutes d’hésitation. Pourtant on ne le voit pas. On attend la rencontre sur un chemin, on la redoute aussi.


Notre premier ours, probablement un grizzli, a été aperçu dès le premier soir de notre arrivée dans Lamar Valley à Yellowstone : un attroupement de véhicules au bord de la route nous a mis sur la piste. On a pu le voir au loin, aux jumelles, mais si loin que le grizzli terrifiant avait plutôt des airs de boule de poils attendrissante qui courait dans la prairie!


Notre deuxième rencontre a été très surprenante: alors que nous nous étions engagés sur une route non autorisée aux camping-cars vers le Phelps Lake dans Grand Teton, voilà un petit bouchon qui se constitue. On comprend que les voitures sont arrêtées car elles ont aperçu quelque chose dans les fourrés. Un oiseau ? La pente est raide sur le bas côté et surplombe la route, on a l’impression que ça se passe dans les arbres. Finalement quand on arrive à notre tour à hauteur, Félix s’écrit « un ours!!! », avec sa bobine pile face à notre fenêtre, à moins de trois mètres de nous! On est tellement surpris, mais tellement gênés de participer nous-mêmes au bouchon avec notre véhicule hors-la-loi, qu’on ne prend pas le temps de rester pour tenter les photos, quelle erreur!!! Le bonhomme semblait pourtant très tranquille, assis sur les pattes arrières, à déguster dans les feuillages…Il nous a fallu faire demi-tour un peu plus loin sous un orage battant qui s’est soudainement déclenché, et se faire rappeler à l’ordre par un Ranger … En France il n’y aurait eu aucun souci pour rouler sur ce type de voie avec un camping-car, mais les Américains sont frileux avec les routes de montagne, pas habitués avec leurs gabarits toujours hors normes!! Bref, ce moment reste une grande frustration, d’autant que la rando à Phelps Lake s’annonçait très jolie…


La troisième rencontre, dans Grand Teton également, est la plus belle (pour le moment, car il nous reste deux jours à passer dans Yellowstone et encore une semaine dans les Rocheuses canadiennes au moment où j’écris!)


Nous nous étions attaqués à la grande randonnée de Cascade Canyon au départ de Jenny Lake. Annoncée pour une vingtaine de kilomètres, on a décidé de couper le parcours en prenant à l’aller et au retour le bateau qui traverse le lac. On voulait se donner toutes les chances de réussir à aller au bout de cet aller-retour au coeur des Rocheuses, et par la même occasion augmenter notre probabilité de voir un ours. L’aller est joli, on est dominés par les sommets et les glaciers, mais le paysage est très alpin et on se sent moins dépaysés que pour la randonnée de Taggart Lake.

La frustration monte, car on ne ressent aucune trace de l’ours, pas un autre touriste pour nous dire qu’il en a aperçu.. On est presque dépités quand on arrive au bout des 8 kilomètres. On se revigore grâce au pique-nique, il faut maintenant faire chemin dans l’autre sens.

Au bout de trente minutes de marche, je découvre sur le chemin ce qui ressemble à l’évidence à un gros caca d’ours brun !!! Rempli de baies! On se dit qu’un ours est donc forcément passé par là, derrière nous !! La frustration augmente encore !! Basile a décidé, dépité, de faire le retour en courant, il va s’en mordre les doigts…


En effet, au bout d’une heure trente de marche, j’aperçois une marcheuse devant moi qui semble avoir aperçu quelque chose en face. Je m’arrête, je scrute: oui le feuillage bouge, il y a quelque chose! Et voilà que l’ours se montre enfin! A une cinquantaine de mètres, de l’autre côté de la rivière, il apparait sur la roche en avançant obstinément, sans se préoccuper du public qui l’admire!

On est totalement fous de joie!! Aucun risque à cette distance grâce à la rivière qui nous sépare, il ne nous calcule pas une seconde, et poursuit son chemin, nous permettant de le suivre des yeux pendant une bonne dizaine de minutes. Zoé est au comble de l’excitation à côté de moi, Pierre est avec Félix, il décide d’aller chercher Basile malheureusement bien trop loin déjà…


Il avance, avance, tantôt à découvert dans l’herbe rase, tantôt dans les feuillages, puis on le voit réapparaitre, et voilà qu’il se met à l’eau, et tel un petit chien , nage tranquille vers la rive opposée qui dessine un virage, il remonte sur le bord, se secoue comme un chien toujours, puis passe longues minutes à fouiller l’herbe boueuse du museau, avant de replonger dans la rivière et de disparaitre de notre champ de vision…

On est bouche-bée, et tellement heureux d’avoir eu cette chance! La randonnée qui s’annonçait décevante prend un tout autre visage et c’est le coeur léger qu’on finit les derniers kilomètres, les douleurs dans les jambes ont presque disparu! Seize kilomètres finalement bien rentabilisés, même si on est très tristes que Basile n’ait pas pu profiter du spectacle, lui qui l’attendait tant…


Le lendemain nous avions réservé une matinée avec un guide naturaliste pour explorer encore la nature. Nous n’aurons pas revu l’ours (grosse frustration encore!) mais Mike, très sympa avec ses airs de vieux roublard cow-boy, nous a appris un tas de choses passionnantes sur ses habitudes alimentaires (on a ainsi gouté les baies dont il raffole, des « Honey Suckles », très rafraichissantes!), sur l’hibernation (l’ours revient chaque année dans la même grotte, et plonge dans un sommeil quasi comateux où le coeur ne bat plus qu’à 6 battements par minute,!) la gestation, la naissance au coeur de l’hiver (la mère continue l’hibernation, sans aucune interaction avec ses bébés qui sont aveugles et sourds, et constitue alors une couveuse géante jusqu’au printemps, les bébés restant aux mamelles pour l’allaitement) puis l’élevage des oursons par leur mère, malheureusement souvent tués par un mâle au cours de leur première année.


Il nous a ainsi raconté la formidable mais si triste histoire de la femelle grizzli appelée 399 (son numéro de suivi après que les grizzlis aient été reconnus espèce en danger aux Etats Unis en 1975) : connue de tous les passionnés du monde entier, star du National Geographic, née en 1996 et ayant donné naissance à 18 oursons au total, elle avait pour habitude de se montrer chaque année avec ses bébés dans les plaines de Grand Teton pendant plusieurs heures d’affilée.. Un comportement tout à fait inhabituel et exceptionnel, que les naturalistes semblent avoir compris. 399 faisait preuve de compétences maternelles particulièrement marquées, et on pense qu’en montrant ses bébés aux touristes, elle gagnait du temps précieux pour protéger ses bébés des mâles environnants, très rebutés par le contact avec l’Homme.

Ainsi, aucun de ses oursons n’a été tué par un mâle grizzli, mais quatre sont morts heurtés par des voitures..

Cette fin tragique fut aussi la sienne, où un soir d’octobre 2024, elle a été percutée par un véhicule sur une route en dehors du parc, où elle n’avait pas l’habitude d’aller et où les vitesses autorisées sont plus élevées…

Un drame inconsolable pour les passionnés du monde entier qui la suivaient depuis des décennies...


Nous n’avons pas revu l’ours avec Mike, mais on est ressortis de cette exploration plus riches de connaissances et surtout plus sensibilisés encore par cette Mère Nature toujours si exceptionnelle… 



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