C’est une journée en totale incursion ouzbek que nous venons de vivre en ce vendredi! Départ ce matin, après un dernier tour au Registan sous le soleil qui refait enfin timidement son apparition, pour les régions montagneuses de la Nourata. Une matinée entière de route à travers la steppe, sur un rouleau d’asphalte tout droit, parfois en piteux état, mais toujours roulante! Le soleil joue avec les nuages, les troupeaux de moutons noirs s’égrènent le long des paysages, on suit des Lada en veux-tu en voilà… Il fait toujours assez froid dehors, et c’est inhabituel en cette saison que les températures soient si basses. Bref arrêt à Forish, qui signifie « Paris », ainsi baptisée par Tamerlan à son époque, qui voulait donner aux villages d’Ouzbékistan des noms de capitales déjà prestigieuses!… Le marché est plus qu’authentique et c’en est carrément intimidant, et pourtant on commence à en avoir une sacrée bonne expérience des marchés authentiques à travers le monde… Pas un touriste ici (il y en avait déjà très peu à Samarcande), on sent qu’on fait rire, c’est gentil et bonhomme, mais je n’ose du coup pas faire autant de photos que ce que j’aurais voulu, bien que les ouzbek apprécient de se faire tirer le portrait. Ils nous sourient de leurs dents en or, nous interpellent, veulent nous vendre leurs denrées, l’étal de graisses de fesses de mouton est particulièrement impressionnant. Les pommes sont vendues par centaines, les raisins séchés à même les étals, les pigeons côtoient les sacs de farine, les beaux pains ronds luisants (les « non », la même origine que « nan » en Inde) font envie.
La dernière partie de route s’enfonce dans le massif montagneux, on ne sait pas comment la voiture passe ici sur ce chemin chaotique, mais ça passe! Les nuages ont couvert la montagne, la brume enveloppe les paysages, on a du mal à imaginer que des villageois vivent ici, à Hoyat, et pourtant c’est chez une de leur famille que nous sommes attendus. Repas délicieux, notre premier bol de vodka pour se réchauffer (pas facile pour moi, mais impossible de refuser, c’est comme finir le plat (je dis bien le plat, et pas seulement l’assiette!! Les ouzbek vivent mal le gaspillage alimentaire..), et nous voilà partis pour une marche de deux heures dans la montagne autour du village. Je l’avais imaginée sous le ciel bleu par 15 degrés, elle se fera dans les nuages par 5 degrés, une toute autre ambiance, un avant-goût de ce que peut être l’ambiance du pays dans les mois d’hiver…Grands contrastes de l’Asie Centrale qui passe des 45 degrés de l’été aux -20 degrés de l’hiver en quelques semaines… Les paysages sont arides, pierreux, quelques arbres flamboient aux couleurs de l’automne, on croise régulièrement des vaches sur le parcours, des bouteilles d’eau suspendues qui servent d’extincteurs de fortune en cas de départ de feux. Retour au milieu de l’après-midi à la chambre, il y fait assez frisquet, on se serre sous la couette devant un film, car il n’y a rien à faire d’autre!! Pas de réseau évidemment! Voilà bien longtemps que je n’avais pas ressenti une petite vague d’ennui, ça fait tout bizarre! J’ai le nez froid! Vers 18h on vient nous chercher pour le repas, je me dis que la soirée va être longue, mais on passe finalement un excellent moment à table en compagnie du chef de famille, de Pelotchoh notre guide, d’un jeune portugais qui est psychiatre à Dublin et qui a fait la marche avec nous, et de son chauffeur. Rebelote pour la vodka, il faut faire preuve de persuasion pour refuser le 2e bol! Le ragoût aux pommes de terre préparée par la maitresse de maison sur son feu artisanal est délicieux.. On discute longuement de la vie du village, du peuple ouzbek, des traditions familiales, des voyages, de la politique centrasiatique, des enjeux religieux, des talibans d’Afghanistan (leurs voisins tout proches ne les craignent pas du tout comme nous pouvons le faire même si ils n’en nient pas le terrible extrémisme…), des possibilités de faire découvrir en France la culture ouzbek : Pelotchoh a des idées ingénieuses de trouver des marchés de Noël où il pourrait amener avec lui une délégation d’artisans et de cuisiniers, on convient que les objets d’artisanat seraient parfaits pour Noël et que le plov serait facile à servir à emporter! Je garde l’idée derrière la tête, il me faut maintenant trouver les bons contacts! Retour à la chambre à 21h, on se pelotonne sous une double couette car la nuit promet d’être froide. Le lendemain matin, on se réveille sous un grand ciel bleu, la table du petit déjeuner est alléchante, tout est fait maison: confiture d’abricots, miel de fleurs de coton, noix et pommes du jardin. C’est une nouvelle matinée de route qui nous attend!
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