
6 août 1945, 8h15.
Grand ciel bleu.
Et le monde bascule dans l'horreur absolue.
On désintègre en quelques secondes quinze mille personnes, on rase de la carte une ville entière, on signe l'arrêt de mort de 140000 êtres humains dans les jours qui vont suivre, puis des milliers et des milliers sur les dizaines d'années à venir. On a prouvé qui était le plus fort.
On a prouvé la suprématie de la science.
On a agi dans l'indifférence la plus glaçante.
Bravo, la guerre est finie.
En comprenant que notre parcours pour gagner Miyajima passerait par Hiroshima, je n'étais pas sûre de vouloir venir sur le site du mémorial de la Paix. Finalement, le passage s'est imposé : comment, dans une vie, être dans un train qui passe par Hiroshima, et ne pas s'arrêter pour ce devoir de mémoire ? C'est dans un magnifique ciel bleu de fin d'après-midi que nous avons arpenté ce parc, devenu le symbole du refus infini de la bombe atomique, passé de la scène historique d'un drame, de cris, de larmes et de douleurs, d'un déni trop longtemps contenu, à un message universel pour la paix.
On se dit, quand on lève la tête vers le fameux "dôme de la bombe A" - ce bâtiment qui a en partie résisté à l'inarrêtable- que c'était le même ciel bleu en ce matin du 6 aout 1945 qui planait au-dessus des habitants de Hiroshima, et que décidément, les ciels bleus, les chants des oiseaux et les mélodies des cigales ont du mettre bien longtemps à réinvestir les lieux. Drôle de sensation de marcher sur ce sol irradié il y a près de 80 ans.
Le musée est déchirant. Les photos sont aussi magnifiques que cruelles, les journalistes survivants expliquent qu'ils ont mis du temps à oser prendre les premiers clichés du carnage, la ville sent le crâmé, les corps brûlent et se jettent à l'eau... Des vêtements, des ordonnances, des feuilles de classe, autant de vestiges pour montrer que les gens d'ici sont passés sans le vouloir du statut de vie ordinaire à celui de cobaye extraordinaire.
On est impressionnés, silencieux, un peu hébétés.
On est heureux d'avoir pu consacrer un peu de notre temps de voyage à cet endroit si tristement célèbre.
Hiroshima est morte, mais Hiroshima s'est réincarnée en ambassadrice de la paix dans le monde, sentiment d'un noyau dur universel indispensable à l'Humanité d'aujourd'hui.
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