Il est des endroits qui sont si exceptionnels qu’ils se méritent un peu, plus encore que les autres.
Abu Simbel est de ceux-là.
A 80 kilomètres des frontières soudanaises, dans la Basse-Nubie, sauvé des eaux par un travail de titans dans les années 60 grâce à une formidable mobilisation internationale, ce temple domine fièrement l’immensité du lac Nasser.
Abu Simbel est tout ce que l’on imagine de la splendeur de l’Egypte.
Deux temples taillés dans la montagne, des statues colossales qui règnent sur l’Histoire, une fantastique position face au soleil levant, on les voudrait animés des personnages qui les ont jadis occupés…
Nous avons quitté nos hôtes du bateau après notre petit déjeuner à bord et encore quelques devoirs, ils avaient le coeur gros (« tu vas nous manquer, Zoé », ont-ils fait dire à leur téléphone au moyen de Google traduction, ambiance « rendez-vous en terres inconnues »!).
Un chauffeur, contacté via l’hôtel que j’ai réservé là bas, nous attend sous le pont de Assouan où le bateau est amarré.
Quatre heures de route, dans le désert.
Une petite pause pipi un peu saugrenue dans un poste de Police au milieu de nulle part : avec Zoé, on n’en pouvait plus !!! Je peux vous dire que les lavabos n’avaient pas vu de crème à récurer depuis leur installation !! J’ai failli donner un bakchich, puis je me suis ravisée, je trouvais que pour la Police, c’était vraiment too much !!!
Et en début d’après-midi, nous sommes arrivés à l’hôtel : cette fois, je me suis autorisée un peu plus de luxe.
Le Kabarra Nubian House est un petit établissement très mignon dans un style nubien réussi : chambres aux toits en coupoles de briques, motifs naïfs et colorés sur les murs, c’est une Afrique plus colorée qui commence à poindre ici…
Le personnel est très attentionné, toujours cette jolie « classe » égyptienne, on nous sert un déjeuner mérité, et on se pose un peu dans la chambre pour une douche chaude très attendue! Le débit et la température de l’eau sur le bateau ne nous avaient pas donné envie de nous laver le deuxième jour, il était donc temps de se faire propre!
Puis nous sommes parties découvrir les temples de Abu Simbel par la mer, enfin par l’immense lac Nasser, pour le coucher du soleil.
Le lac Nasser, c’est cette gigantesque étendue d’eau artificielle créée par la construction du grand barrage d’Assouan, entre 1960 et 1970 : 500 km de long, dont deux tiers en Egypte et un tiers au Soudan, pour 5 à 50 kilomètres de large, c’est une véritable mer intérieure… d’eau douce!
Christiane Desroches-Noblecourt et ses collègues archéologues ont déplacé des montagnes - c’est le cas de le dire!- pour sauver Abu Simbel et d’autres grands temples de Nubie d’une engloutissement définitif sous les eaux du lac, à l’image de dizaines de villages nubiens qui n’ont pas eu la même chance…
Des travaux pharaoniques (ça tombe bien !) ont ainsi été entrepris pendant plusieurs années, financés par la communauté internationale, pour remonter les temples d’environ 60 mètres sur la montagne, et le reculer de 200 mètres. Un patient jeu de Lego grandeur « pharaon » : découpage en 1042 blocs de quinze tonnes chacun, remontés les uns après les autres : ça force l’admiration…
Quand on commence à glisser sur l’eau dans cette lumière sublime du soir, et qu’on voit progressivement apparaître les colosses derrière les côtes découpées et les montagnes dorées, quelle émotion!
On est restées là, sur l’eau, dans notre petite embarcation, une bonne demi-heure, pour contempler les merveilles…
Abu Simbel, ce sont deux temples creusés dans la montagne, côte à côte, sous le règne de Ramsès II : 67 ans de domination et un grand penchant pour la mégalomanie ont, il faut l’avouer, permis de produire cette splendeur architecturale.
Le temple le plus connu, avec ses quatre colosses assis, est dédié à la gloire de Ramsès II lui-même, qui avait eu l’audace de s'auto-déifier !!! Le second, légèrement moins imposant, mais c’est très relatif, fut érigé en l’honneur de Nefertati, sa femme préférée… (oui, avec une centaine d’enfants au compteur, on imagine bien que tous ne sont pas nés du même lit!) : 6 colosses debout cette fois, dont deux représentations de la reine, et donc quatre du pharaon, oui, on est mégalomaniaque jusqu’au bout ou on ne l’est pas!
Un autre moment fort de notre exploration des temples d’Abu Simbel est le spectacle de son et lumières : le billet est cher (18 euros, moitié prix pour les enfants), mais il s’agit du plus beau spectacle de tout l’Egypte, si il y en a un à choisir, c’est donc celui-ci. D’autant que, et je ne le savais pas avant d’arriver sur le site, il permet d’approcher au plus près les monuments au clair de lune (qui était pleine, quelle chance!) avant le début du spectacle et d’y revenir après le spectacle alors qu’ils sont magnifiquement éclairés par les projecteurs… et les spectateurs timides n’osent pas le faire initialement, si bien qu’on s’est retrouvées seules au pied des colosses, sensation assez incroyable !
Le spectacle est très bien rôdé : des gradins de pierre bien exposés, loin des temples pour une belle vue d’ensemble, des écouteurs dans la langue souhaitée pour pouvoir suivre les commentaires, de jolies projections des dessins intérieurs sur les façades, Ramses II qui nous parle, c’était franchement réussi, et assez grandiose. On peut même acheter un petit thé, à un euro c’est un scandale pour les tarifs du pays mais on est bien content de le siroter sous les étoiles face à un tel tableau…
Et puis nous nous sommes levées à 5h15 pour venir assister au lever du soleil sur les colosses de Ramsès II…
Pas mal de monde déjà présent à l’entrée, alors que les guichets n’ont pas ouvert, les groupes ayant déjà leur tickets… Mais le site est tellement grand qu’on trouve toujours des endroits tranquilles pour profiter de la majesté des édifices.
Le soleil pointe son disque à l’horizon, en face, sur le lac, et les colosses rosissent, discrètement d’abord, puis ils rougeoient, puis flambent dans un orange doré somptueux : nouvelles émotions !!! Deux fois par an, le 22 février et le 22 octobre, la statue de Ramses II qui siège tout au fond du temple dans la pénombre, se fait éclairer par les rayons du soleil levant : incroyable génie des constructeurs de l’époque, incroyable génie du pharaon qui en eut l’idée, pour se faire « régénérer » par l’énergie solaire… Ce qui inspira Spielberg pour son film « les Aventuriers de l’Arche Perdue » ;)
On a visité l’intérieur des temples, même si, il faut le reconnaître, ce sont surtout leurs façades qui hypnotisent : fascination totale pour la lumière si magique sur les statues, qui semblent à deux doigts de s’animer et se lever face à nous, misérables petits touristes admiratifs
…
Zoé, elle, continue inlassablement de jouer au pied des colosses, petits poneys contre géants, le cadre a de quoi décupler l’imagination déjà si fertile dans sa petite tête!
Coucher du soleil, lever de lune, lever du soleil, on pourra dire qu'on en a bien profité : Abu Simbel est un trésor que l’Humanité a su conserver, puisse-t-elle réussir à garder ces précieux héritages millénaires pour l’éternité…
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