
Pour ce 5e et avant-dernier jour de notre épopée en mer, on remonte vers Nosy Be, en direction d’un fjord constitué de mangroves labyrinthiques. La mer est d’huile, mais animée d’une étonnante houle, probablement liée aux grandes marées ou à des vents de pleine mer, qui donnent l’impression de naviguer sur un infini voile de tissu soulevé par de l’air. C’est très beau, mais encore une fois, ça nous berce et ça endort nos ados à bord ! La traditionnelle pause snorkeling et sauts depuis le ponton permet de réveiller les troupes. On a tous conscience qu’on approche de la fin du voyage, et une touche de nostalgie commence à nous titiller à l’idée de quitter cet équipage formidable, qui prend tant soin de nous. Jacky est un véritable ange-gardien, en permanence à notre écoute, prêt à se plier en quatre pour nos diverses doléances (du PQ ! du PQ ! le voilà qui part en annexe et revient de nulle part 20 minutes plus tard avec deux rouleaux : un héros !!), et il dirige de main de maître la troupe de joyeux lurons qui nous épaule dans ce quotidien hors du temps. Bien sûr, on pense avec bonheur au retour vers le confort d’une douche ou d’un lit, mais ce qu’on vit est un luxe incroyable, un vrai privilège de pleine nature et de vie de brousse dans son plus simple appareil, et je crois bien que chacun à son niveau réalise la chance qu’il a de vivre une telle aventure. On achète des carangues à un pêcheur et on se tape un petit délire photos genre « c’est moi qui les ai pêchées ». On pénètre bientôt à l’entrée du fjord (ça semble anachronique d’utiliser ce terme sous les tropiques !), et c’est un monde nouveau qui s’offre à nous. La baie est splendide, pleine de pêcheurs sur leur petite pirogue, qui traquent la carangue. On stoppe face à notre campement du soir, qui semble assez exceptionnel : on distingue au loin un manguier centenaire et un carbet. Mais pour une fois on ne débarque pas directement sur la plage, Jacky nous fait tous monter sur l’annexe, dirigée par Serge, pour aller explorer les canaux de la mangrove. La marée est descendante et on sent qu’il n’y a plus beaucoup de fond. On y découvre une vie existante, dans ce monde d’allure hostile, avec des cases perchées ici et là et des « boutres-taxi » qui ne peuvent passer qu’à certains moments de la marée. Au bout d’une heure de déambulation aquatique, on parvient à un petit cul de sac ponctué par une cascade d’eau douce ! On est fous ! On a tous envie d’aller se jeter dessous, la chaleur et le sel nous rendent bien collants, et on regrette de ne pas avoir amené le savon et les serviettes. On délire sur la pub de Tahiti Douche, mais sans le gel douche ! La température de l’eau est juste parfaite, on pourrait rester longtemps à se faire éclabousser la tête ! Mais le jour décline, et la marée continue de reculer, il faut faire demi-tour, on accoste sur le chemin dans un village spécialisé dans les « chantiers navals » de boutres. Ça sent bon le bois poncé, les coques en construction sont superbes, les coqs et les chiens tournicotent ici dans un joyeux bazar. On découvre enfin notre campement au coucher du soleil, le lieu est vraiment le summum de la robinsonnade, avec le luxe inédit d’un carbet sur pilotis pour le repas. Et ce soir, nouveau miracle de Simon : des frites !!! Pour les toilettes, plus de monde à nouveau ici, mais une zone de rochers au loin parfaite à la nuit tombée. On apprend à Jacky à jouer au Loup-Garou, il semble un peu perdu mais se prête volontiers au jeu, pour le bonheur des enfants ! C’est la dernière nuit, je me couche avec un sentiment ambivalent, oscillant entre le plaisir de retrouver la civilisation demain soir, et déjà le regret de quitter cette vie à part, cette parenthèse enchantée de la grande Madagascar, au moment même où l’on commence à trouver nos marques et à nous installer dans ce mode de vie sauvage…
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