Mystérieux pays Bedik
C’est une nuit un peu particulière que nous passons à Wassadou, étonnamment fraîche - le fleuve Gambie apporte sa brise bienfaisante - mais animée des aboiements des babouins qui se sont fait la guerre! Ils ont continué ensuite leur boucan en frappant de façon rythmique sur des bambous, c’était très étrange! Assane nous a rejoints tard dans la nuit et on est soulagé de le retrouver, les problèmes avec la police se sont finalement arrangés, et sans argent à verser, il s’en était fait un point d’honneur! Zoé lui saute dans les bras quand elle l’aperçoit. On a réservé une ballade matinale sur le fleuve, au milieu des oiseaux: c’est serein et on peut observer un tas d’espèces différentes, toutes plus jolies les unes que les autres. Gros coup de coeur pour le martin chasseur du Sénégal avec sa robe turquoise, noir et blanc, qui semble énorme proportionnellement à nos espèces européennes! On admire aussi le martin pêcheur géant, en habit brun et noir, les vanneaux du Sénégal, le balbuzard, les nids des guêpiers à gorge rouge, petits trous à même l’argile du bord du fleuve. On apprend que pendant « l’hivernage », la saison des pluies, le niveau de l’eau monte jusqu’à recouvrir complètement le campement tous les ans! Les babouins se balancent dans les branches, les singes nous observent avec curiosité et méfiance, mais pas d’hippo ce matin, même si on devine les traces de leur passage la veille dans la boue… On profite une dernière fois de la vue incroyable au cours du petit déjeuner et nous voilà partis pour une bonne route pour Kedougou, traversant le parc du Niokolo Koba: on roule plus lentement dans toute cette zone, la terre est rouge, les paysages sont plutôt arides, des cadavres de pneus éclatés jonchent les bords de route (c’est le chemin des gros camions vers le Mali), mais les animaux ne se font pas si timides et savent approcher le bitume! Babouins, singes, phacochères, et même deux calaos terrestres énormes et impressionnants qui traversent juste devant nous. Petite pause resto à Kedougou ( riz légumes!) La chaleur monte, et nous arrivons en début d’après-midi chez Léontine Keita, bédik, dans le village de Bandafassi, aux portes du pays Bedik. C’est un campement tout simple mais très bien arrangé au milieu d’un jardin très agréable, porté à bouts de bras par ce petit bout de femme tellement moderne dans sa façon d’agir et de penser! Créé en 1998, elle a chaque année réinvesti son argent gagné pour augmenter le nombre de cases (environ 6 aujourd’hui) et en en améliorant le confort, aujourd’hui nous avons l’eau courante et l’électricité en continu pour la première fois depuis le début du voyage! Il fait très chaud, on se pose sous le préau, Léontine me montre sa brûlure au pot d’échappement et je lui propose mes soins qu’elle accepte volontiers! On plaisante avec sa jambe coupée, on sympathise d’autant plus vite, on est charmé! Je vois aussi les brûlures de David son neveu de 2 ans, datant d’une semaine, avec de l’eau bouillante, et je me dis qu’il s’en sort plutôt bien vu son lieu de vie !
Guillaume, un autre neveu lycéen, bedik bien sûr, nous emmène en fin de journée sur les hauteurs de Bandafassi pour rejoindre le village de Ethiwar au coucher du soleil: c’est notre première incursion magique chez les Bedik. Nous pénétrons avec timidité et humilité au coeur de ce foyer familial d’une vingtaine de personnes, initiés par Guillaume qui nous en explique les codes. Le repas est en préparation au milieu de la cour par la maman et la grand-mère. Nous sommes présentés au « vieux », le chef de famille, puis nous pouvons échanger furtivement avec les autres membres: des petites jumelles sont nées ici il y a peu: La maman porte Denise, un mois, la grand-mère porte sa jumelle, Rosine, dans le dos également, et les ainés, Jacqueline 7 ans et Sylvain 3 ans (nu comme un vers avec une petite ceinture gris-gris à la taille et la morve au nez) sont impressionnés de notre présence. On nous présente leur artisanat, on ne peut que céder à la tentation, les colliers et petites poupées en argile sont très jolis. On redescend au village à la nuit tombée, un repas fameux préparé par Léontine et sa soeur nous attend, on se sent déjà très bien dans cette région si reculée du Sénégal, avec ce sentiment naissant de pénétrer dans un univers à part... cette terre inconnue nous ouvre ses portes! Bienvenus chez les Bedik !