MAR LODJ : découverte du Nord du delta du Sine Saloum
Après une nuit rafraîchie par une brise très agréable à travers les fenêtres de la chambre et aux sons de l’obscurité emplie d’insectes en tout genre, il fait encore frais ce matin pour partir explorer en charrette l’île de Mar Lodj et ses quatre villages. C’est Omar qui nous guide: sa taille et ses traits d’enfant cachent en fait un jeune homme de 27 ans, très cultivé et très intéressant pour parler de sa culture. Nous voilà embarqués grimpés sur des charrettes sommaires à travers la brousse de l’île, sur ses pistes de sable, au milieu des baobabs: certains endroits sont désolés, envahis de déchets plastiques contrastant avec les villages plutôt bien entretenus. Le Sénégal ne s’est pas encore organisé pour la collecte de ses détritus, et c’est bien dommage… On fait un premier stop au pied d’un baobab sacré, dit « bouche bée », avec une énorme ouverture centrale en tronc creux, lieu historique de sépulture des griots, les joueurs de tam-tam spécialistes en communication entre villages. En saison des pluies, il devient alors une source d’eau précieuse pour les singes des alentours. On goûte au jujub, une baie locale dont on fait des confitures, et on profite aussi de cette escale insolite pour faire une injection d’adrénaline intramusculaire à Lili, allergique à la cacahuète, qui a goûté une pâte à tartiner piégeuse au petit déjeuner, et qui, déjà les yeux et le nez tout dégoulinants depuis trente minutes, commence à vomir et avoir mal au ventre… Un peu étonnant pour moi de faire ce genre d’injection sur une charrette au milieu de la brousse et à quatre heures d’un hôpital digne de ce nom, mais c’est efficace et elle continue sa journée soulagée et très en forme, comme si de rien n’était! On traverse les villages, les enfants se précipitent sur notre passage, les habitants vaquent à leurs occupation dans leurs courettes. Le village de Mar Lodj est très paisible, organisé autour d’une place centrale, de son fromager sacré (on vient y faire des voeux en touchant ses racines énormes avec la main gauche), lieu de culte multi-religions pour les musulmans, les catholiques comme pour les animistes du coin! C’est d’ailleurs initialement une tradition animiste, que musulmans et catholiques ont gardé, on a ici une idée très trans-culturelle de la religion et des pratiques, ce qui devrait finalement être partout comme ça pour une vie meilleure en société! Des femmes vendent à côté de la confiture de Bissap, on en achète un pot bien sur, on passe à l’église où un habitant du village tient absolument à nous en faire une visite complète, devant l’école, devant le « tam-tam téléphonique »! Utilisé désormais uniquement pour les grandes annonces ou les grandes occasions, il constituait auparavant réellement la cabine téléphonique du village avant l’ère du téléphone portable! On constate amusés la disparition de Zoé depuis une quinzaine de minutes (seul Félix s’inquiétait vraiment pour sa soeur) quand on la voit finalement arriver sur la charrette, s’étant fait promener partout dans le village par le conducteur, fière telle une Reine mère! Toujours aussi ravie de ses expéditions exclusives! Omar toujours très intéressant nous explique ainsi la vie de son village, les traditions matriarcales de cette société (les terres appartiennent aux femmes ici, et se transmettent de mère à enfant, mais ce sont les hommes qui travaillent aux champs! Ils ont tout compris ces Sénégalais!).
L’après-midi on profite d’une petite pause pour supporter la chaleur très intense entre midi et dix sept heures: cette petite cour du Nguel Du Saloum est un havre de paix: sieste pour les uns, jeux pour les enfants, écriture pour moi. L’excursion du soir se fait dans les bolongs du delta, en pirogue : une heure de navigation pour gagner la réserve naturelle de Palmarin: de très beaux oiseaux, des puits de sel de couleurs différentes dont la culture constitue une richesse naturelle importante pour les locaux (eux aussi appartiennent aux femmes!) , et pause finale pour tenter d’observer les hyènes qui quittent la mangrove au coucher du soleil pour se rapprocher des villages et tenter de s’attaquer à un pauvre zébu isolé… On reste une heure dans les bruits des oiseaux , à les observer à la jumelle, les calaos à bec rouge virevoltent de branche de baobab en branche de baobab, on admire un martin pêcheur énorme turquoise et noir splendide (on apprendra plus tard qu'il s'appelle "martin-chasseur du Sénégal"), mais nous resterons bredouille côté hyènes! La lumière du coucher de soleil est douce, il se couche derrière un voile de brume qui permet à la chaleur de retomber progressivement. On retourne sur les charrettes pour gagner la pirogue, les bruits de la nature sont partout autour de nous, le retour en pirogue se fait au clair de lune dans la brise fraîche de la nuit, l’ambiance est à la fois inquiétante et reposante! De gros oiseaux s’envolent autour de nous, des aigrettes, des pélicans, les poissons sautent hors de l’eau à côté de la pirogue. Douche à la tasse et au seau au moyen de bonbonnes d’eau chauffées au soleil, et repas du soir à base de mil, la céréale la plus consommée en Afrique de l’Ouest, très nutritive! Le mil constitue la base du petit déjeuner et du souper ici, on profite par ailleurs d’excellents poissons du delta! On se régale au Sénégal! ;)