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L'or rouge de Taliouine




En ce 7e jour de notre road-trip marocain, nous voilà donc partis pour la région de Taliouine, réputée pour sa culture du safran : la précieuse épice est sur le filament d’une fleur qui ne sort de terre que 15 jours par an, fin-octobre début novembre, et on est donc pile dans l’étroite saison, on ne pouvait pas contourner cette étape ! La route est toujours aussi belle, très minérale mais dans des dégradés de oranges et bruns avec de jolis plissements sur les montagnes. Quelques kilomètres avant Taliouine, j’avais repéré un village qui cache un agadir, un grenier communautaire datant du XVIIe siècle et toujours en service, et qui a ici la particularité d’être troglodyte, magnifiquement inclus dans la falaise en contrefort. Nous nous arrêtons donc à Ifri N’Imadine et décidons de nous installer aux abords du village pour notre pause pique-nique. Evidemment, nous attirons aussitôt la curiosité des enfants, qui accourent vers nous, mais ici ils sont particulièrement bien élevés, et ne viennent ni réclamer, ni s’approcher de façon insistante. Ayoub, 13 ans, commence par venir timidement nous saluer et nous confirme qu’il pourra nous emmener voir l’agadir, on lui explique qu’on souhaite d’abord manger, alors il patiente à l’écart. Puis arrivent quatre fillettes, qui nous regardent également patiemment manger… un peu gênant, mais finalement, notre Zoé, toujours là pour tisser du lien facilement, va les rejoindre et leur demande de jouer avec elles. Les ainées ont 11 ans et quelques notions de français, et comprennent les jeux de Zoé, qu’elles expliquent aux plus jeunes. Et les voilà parties pour du « bébé chat », et des cache-cache ! Universel ! Notre pique-nique fini, nous voilà partis dans le village à la découverte de l’agadir, et nous découvrons aussitôt que nous passons le long des parcelles de culture de safran, les enfants ici étant tous des enfants de paysans spécialistes en la matière ! Les petites filles (Fatima, Ibtissem, Neyma et Hadija) nous cueillent des fleurs non ramassées ce matin (j’en suis un peu malade quand on connait la valeur de ces précieux pétales !!). Elles les placent dans les cheveux de Zoé, trop fière d’être si bien entourée. Le safran est issu d’une jolie fleur violette, qui possède des pistils jaunes et des filaments rouges : ce sont ces filaments qui sont prélevés à la main, fleur par fleur, après la cueillette qui a lieu avant le lever du soleil, entre 6h et 7h du matin, avant que la fleur ne s’ouvre. Ayoub nous explique que le prix du gramme est entre 25 et 30 Dirham, soit 2.5 à 3 euros, ce qui fait ici un prix extrêmement avantageux puisque je vois qu’en France, en supermarché, 0.3 grammes de filaments coutent 4.50 euros ! Sur le chemin les femmes qui lavent le linge à la main dans les canaux d’irrigation nous saluent timidement, laissant les enfants nous faire la visite. L’agadir se dévoile bientôt à nous, majestueux dans sa falaise, on distingue plusieurs petites portes posées à même la pierre. On aimerait visiter le lieu, mais le gardien… fait la sieste !! Impossible pour Ayoub d’aller le réveiller ! Tant pis, il faudra se contenter de l’extérieur ! En remerciement de ce joli moment, on confie des cookies à Ayoub qui aura la tâche de les distribuer aux fillettes, mais pas aux quelques garçons qui nous ont rejoints sur la fin de la visite et qui ont « dit des bêtises » selon lui en nous suivant sur le trajet ; on ne comprend pas l’arabe, mais la bêtise est aussi universelle, pas besoin de déchiffrage ! On reprend la route pour gagner maintenant Taliouine, car on veut passer à la coopérative ! On en apprend un peu plus sur le safran : 150000 fleurs sont nécessaires pour recueillir 1 kg de filaments ; 3 filaments suffisent pour parfumer un plat entier, et 15 filaments représentent en moyenne 1 gramme. Le safran est régulièrement contre-façonné : pour distinguer le vrai du faux : goûter le filament ! S’il est amer, c’est le bon ! et le tremper dans l’eau, si la couleur qui apparaît est jaune, c’est bon aussi, si c’est orange ou rouge, c’est un faux ! On repart donc avec 3 petits pots de 2 grammes chacun de filaments (pour 7 euros par pot), celui-là est le plus frais, il vient d’être cueilli ! On craque aussi pour une production maison exclusive le temps de la cueillette : du chocolat au safran (qui s’avérera un délice au goût subtil se mariant parfaitement avec notre yaourt nature du soir…). Nous avions initialement prévu de dormir sur Taliouine, mais faute d’emplacement adéquat (il nous faut absolument faire une lessive dans une vraie machine !), nous décidons finalement de rouler directement jusqu’à notre prochaine étape, Tafraoute. L’application Maps Me nous annonce trois heures de route, il nous en faudra quasiment quatre… La route est absolument splendide, dans la lumière qui décline, autant qu’effrayante, très sinueuse, vertigineuse aux sommets et effondrée par endroits dans le creux des vallées. Nous roulerons encore une heure et demi dans la nuit, mais heureusement la dernière partie de la route est dans un bien meilleur état, toujours étroite mais nous ne croisons que de rares véhicules dans l’autre sens. Nous arrivons à près de 21h dans un camping de Tafraoute, dans la nuit noire, sans nous rendre compte de l’environnement merveilleux dans lequel nous nous réveillerons !








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