L’arrivée au village des blackhouses de Gearannan est étrange, un peu mystique même! C’est le soleil couchant, on est tous seuls, il n’y a personne pour nous accueillir mais c’était prévu et j’avais toutes les consignes pour arriver. « Village » est un grand mot, il y a sur ce site 4 à 5 blackhouses conservées, ces maisons d’autrefois en pierres et toits de chaume, communes avec la Scandinavie. On les appelle "black" car il faisait très sombre à l'intérieur. C’est aussi un endroit où une des maisons sert de musée vivant en journée, pour expliquer la vie dans ces habitations jusqu’au milieu du XXe siècle.
On pousse la porte de la blackhouse qui nous est dédiée, tout est ouvert, un petit mot est posé sur la table à notre attention : c’est un concept d’auberge de jeunesse, qu’on a ce soir pour nous tous seuls! Je n’en reviens pas!! C’est très confortable, on a une chambre de 6 lits superposés, les lits sont faits (petites couettes douillettes aux motifs de carreaux écossais). Et on a une vue géniale sur la mer en contrebas et le soleil qui disparait dans la brume du soir. Je me balade entre les autres blackhouses dont les toits de chaume sont en cours de réfection, il y a aussi un tas de briques de tourbe dans un jardin. Un bien bel endroit au crépuscule! La soirée est sympa, on se fait notre popote avec les courses faites sur Skye avant d’embarquer.
Le lendemain, pour ce premier réveil sur Harris et Lewis, on se lève dans la brume et le crachin! Toute autre ambiance, et le vent est très froid! Ça sent le feu de tourbe qui crépite déjà dans la maison-musée alors qu’on plie les bagages. Puisqu’on a dormi sur place, on peut visiter gratuitement le musée du Gearannan. Un monsieur nous fait donc la visite d’une blackhouse, utilisée jusque dans les années 50. C’est très intéressant, il s’emporte notamment dans des explications qui ont l’air passionnantes sur la linguistique de la langue gaélique mais mon anglais ici n’est plus suffisant pour parvenir à tout suivre, l’accent écossais n’aidant pas non plus !…
Dans la pièce attenante, un homme tisse le fameux Tweed, la spécialité mondialement connue de l’île. C’est un drapé tissé en 100% laine de mouton du coin, aux patterns tellement variés, qui obéit à une loi parlementaire : pour obtenir l’appellation « Tweed of Harris » (le vrai, le beau, le dur), il doit avoir été tissé sur l’île, par les habitants eux-mêmes, au sein de leurs maisons et non dans des usines!!! Voilà l’histoire de l’origine du tissu, dont la confection est encore maintenue par environ 250 îliens. C’est un tissu épais, lourd, qui réchauffe l’hiver et rafraîchit l’été dit-on (même si on a du mal à imaginer qu’il faille se rafraichir en Ecosse !), très connu des grandes maisons de coutures. On visualise un petit film qui explique toutes les étapes du tissage (et Zoé fait référence à la comparaison avec le tissage de la soie qu’elle a vu au Cambodge), puis une autre séquence explique un peu langoureusement le prélèvement de la tourbe pour créer des briques qui sont utilisées pour le chauffage : bon, on rappelle qu’il fait tempête dehors, il faut donc bien trouver à s’occuper !
On prend ensuite la route pour Stornoway : puisqu’il pleut, allons faire les boutiques! On tombe rapidement sur une boutique de Harris Tweed : la couturière tout à fait amatrice que je suis tombe en pâmoison (oui il ne m’en faut pas beaucoup) pour les amas de rouleaux et coupons aux motifs si variés et si colorés… je craque pour trois coupons bien sûr, à voir ce que je pourrai produire de sympa au retour..; et j’ai le droit, en bonus, de prendre 4 étiquettes officielles du Harris Tweed pour les apposer sur mes créations à venir : le kiff total !
On trouve un petit café sympa pour un repas sandwich-soupes du jour, devenus une tradition pour nos « lunch », mais au retour sur le parking : on a un pneu crevé! Il faut dire que les nids de poule sont nombreux, ça aurait été étonnant qu’on échappe à ça… Par chance, on est à deux minutes d’un garagiste qui nous donne rendez-vous une heure plus tard. Il nous regonfle le pneu et ça nous laisse le temps de visiter l’excellent musée de Stornoway sur les îliens et les traditions gaéliques perdurant aujourd’hui.
Il expose notamment les pièces maitresses de l’île: six pièces d’un échiquier viking du XIIe siècle, découvertes par le labours des cornes d’une vache, ou par son propriétaire, un MacLeod pour changer, sur la plage de Uig à Lewis en 1831. Il y en avait 82 au total, huit échiquiers en tout, on se demande où sont passées les autres ? J’ai appris par la suite que la majorité étaient au British Museum de Londres, et 11 autres sont au musée d’Edimbourg. Taillées finement dans de l’ivoire de morse, magnifiques, elles nous rappellent à tous les pièces de Harry Potter!!! On adore ces anecdotes incroyables. Le musée, en fin de visite, propose aussi un autre super moment aux enfants : la possibilité de revêtir des costumes locaux ! Ils s’en donnent à coeur joie, même à 17 ans… ! Le kilt va à ravir à Basile, la casquette de tweed et la veste militaire sont parfaites sur Félix ! Quant à Zoé, elle se délecte en petite bourgeoise écossaise…
Nous voilà de retour pour la réparation du pneu (on a failli s’étrangler quand le garagiste nous a annoncé le prix, par chance j’avais souscrit - ce que je ne fais jamais habituellement - à une assurance complète, on verra si ça marche), puis on retraverse l’île pour gagner notre nouvelle maison pour nos trois dernières nuits, sur les hauteurs de la plage de Valtos, à côté de Miavaig.
Je consacrerai un article entier à ces collines du bout du monde qui plongent dans la mer et que j’ai adoré contempler…
La culture sur Lewis, c’est aussi ce formidable site funéraire de Callanish, composé d’une cinquantaine de pierres debout, taillées dans le gneiss, et dont les archéologues nous disent qu’elles datent de - 2900 à - 2600 avant Jésus Christ, soit 300 ans avant la pyramide de Khéops!!! Vertigineux… Elles forment une croix celtique, et au coucher du soleil, l’endroit est sublime… Il y a de nombreux autres sites du même genre sur Harris et Lewis, dans les environs de celui-ci, en plus modestes évidemment.
Enfin, Harris et Lewis, c’est aussi la culture de ces Honesty Box qui m’ont beaucoup charmée : des petites cabanes posées de ci de là, où l’on peut s’arrêter à n’importe quelle heure, pour y entrer et éventuellement acheter sur le principe de la confiance en laissant sa monnaie dans une tirelire. Pas de vendeur à demeure, la porte est grande ouverte!
On l’a vu pour de l’alimentaire à Croft 36, de très nombreuses box se trouvent aussi au bord de la route devant les fermes pour les oeufs (hum, quelle saveur pour nos wrap du soir!), mais aussi pour les petits cadeaux et souvenirs en tous genres. Les artisans se donnent à coeur joie, c’est parfois très kitch, et parfois on a d’excellentes surprises comme cette cabane au coucher du soleil sur la route du retour qui promet du « Vintage » « Peace and Love » et qui vend des articles en Tweed de seconde main, après les avoir restaurés. Là aussi, craquage pour un petit sac en Tweed tout mimi, à 25 livres quand on connait le prix du tissu, c’était une bonne affaire ! On a même trouvé, dans le même genre, un micro musée super bien fait sur la culture du Tweed dans la mode mondiale, au bord d'un loch, perdu dans la campagne et encore ouvert à 18h30! Un don est suggéré à la fin, mais on se sent libre d'apporter sa pierre à l'édifice : un concept simplement génial.
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