Le Nil, fleuve mythique d’Afrique.
6671 kilomètres, il est avec l’Amazone le plus long fleuve du monde…
En prenant sa source près du lac Victoria, il traverse onze pays : la Tanzanie, l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Burundi, l’Ethiopie, le Kenya, l’Erythrée, le Soudan du Sud, le Soudan et enfin l’Egypte, qui l’a rendu le plus célèbre.
Toute la vie de l’Egypte ancienne tournait autour des crues et décrues du Nil, formidable irrigateur de cultures, il a ainsi nourri depuis des millénaires des millions d’Hommes à travers le temps.
Les crocodiles et les hippopotames ont disparu du Nil d’Egypte, mais le fleuve a gardé toute sa majesté.
J’ai réservé un « sandal », un petit bateau à moteur, pour trois nuits et deux journées entières de navigation, de Edfou jusque Assouan. Pas facile à trouver, c’est « Zizou » des Amis d’Egypte Travel qui a su être très réactif à ma demande. Une seule cabine sur le pont inférieur, pouvant héberger jusque cinq personnes, une salle de bain avec WC, un très grand pont supérieur pour les siestes, la lecture, les discussions et les repas, voilà qu’on découvre « Teba », notre compagnon de navigation!
Tout est agencé avec beaucoup d’attention et de délicatesse, c’est très touchant.
L’équipage est tout jeune, tout juste la vingtaine, trois compagnons discrets, serviables et toujours souriants, au visage de poupon : Abdullah est le capitaine, il a hérité du bateau de son père qui possède une dahabeya - autres dimensions, autre luxe, autre tarif! -, Abdu est la seconde main, et Moamen le très doué cuisinier !
Zoé prend ses marques immédiatement, et inspecte les écoutilles qui donnent sur la cuisine, de très bonnes odeurs de dîner émergent déjà!
Nous avons navigué deux petites heures dans le noir de la première soirée, puis nous nous sommes posés. Plus de moteur, juste le silence de l’eau…
Et au lever du soleil le lendemain matin, la magie du Nil a commencé…
Ses aigrettes toutes blanches dans les roseaux ou dans les cultures, ses « hupettes fasciées » - ces étonnants oiseaux d’Afrique avec une houpe sur le crâne et un long bec courbé prêt à fouiller le sol que les Egyptiens appellent « hod-hod »—, ces grands hérons gris immobiles, rois des rivages, ces ânes blancs partout qu’on entend braire derrière les buissons, ces palmiers-dattiers énormes qui dégueulent de toutes leurs feuilles sur l’eau, le sifflement du train qui suit une voie terrestre parallèle et se rappelle à nous plusieurs fois par jour, invisible; c’est ici un paysan qui sarcle sa terre, là deux pêcheurs qui taquinent le poisson sur leur barque dans la lumière du petit matin, au loin deux hommes en djellaba blanche qui font leur toilette et réajustent leur turban.
Et malheureusement, à de très nombreux endroits, les déchets plastique jonchent les rives… Il est vraiment temps que l’Egypte se prenne en mains écologiquement, elle deviendrait ainsi un vrai paradis…
La vie s’écoule aussi lentement que le fleuve, et le spectacle est constant sous nos yeux.
Les lumières de l’aurore et de la fin de journée sont fantastiques, c’est un voile chaud et doré qui enveloppe tous les paysages après 16 heures, c’est un bonheur de profiter des derniers rayons du soleil renvoyés par l’eau.
Le Nil, c’est aussi la fraîcheur et l’humidité qui nous prennent par surprise dès que le soleil a disparu derrière les montagnes, vite une petite laine, et le plaisir de se glisser sous les couvertures épaisses de nos lits.
Promenade dans les villages (Bisaw et l’île de Herbyabe), four à pains, écoles artisanales, travaux des champs, on se fait doubler par des hommes ballotés sur leur âne, on se fait aboyer dessus par des chiens qui gardent leur territoire, on fait s’écarter les moutons, on se fait héler par les enfants, on suit les canaux d’irrigation, on goûte les dattes qui sèchent au sol, Walid nous fait découvrir simplement la vie du Nil.
Mais on profite aussi de l’eau, on se baigne deux fois dans la fraîcheur vivifiante du fleuve, étonnamment clair, sur des plages insoupçonnées de sable doux.
Cette croisière c’est aussi des repas délicieux, cette chorba du soir - bouillon aux petites pâtes dites « langues d’oiseau », ces crêpes, ce tahinia (pâte de sésame sucrée), ces belles oranges sucrées au petit déjeuner, et cette farandole de petits plats en terre cuite fumants et alléchants.
C’est le bonheur de voir Zoé profiter à fond de son enfance, à jouer à la dinette dans le petit salon, sur le tapis de prière!, et Abdu qui se prête au jeu et vient tout gentiment lui demander une tasse pleine de vide; c’est la voir lire ses BD, étalée sous la table, ou faire la lecture de son livre sur la mythologie égyptienne à Walid pour qu’il valide la version!
C’est voir Moamen s’affairer à ses fourneaux en souterrain, c’est Abdullah qui tient le gouvernail avec ses pieds, c’est Abdu qui s’agenouille scrupuleusement plusieurs fois par jour pour ses prières devant nous…
C’est cette dernière soirée sur l’herbe, bien au chaud sous la couverture, pour un barbecue artisanal préparé par Abdullah, à se régaler des derniers accompagnements de Moamen, à attendre longtemps que le thé ait bouilli sur les braises, à le savourer lampée par lampée, et à danser au son du tambourin!
Le Nil, c’est surtout une contemplation du temps qui passe, au rythme de l’eau et du moteur, c’est le plaisir simple des habitants des bords du fleuve qui ont plaisir à vous faire signe, sans jamais être blasés.
C’est un défilé de tableaux de grands maîtres qui changent à chaque seconde, c’est l’eau qui rythme le cycle de la vie.
C'est Tefnout, déesse de l’eau, de l’humidité et de la rosée, à la tête de lionne, qui vient lécher Geb, dieu de la Terre et tout premier pharaon: la mythologie égyptienne dans laquelle on baigne ici au quotidien prend alors tout son sens.
(Ici la société de Abdullah si certains sont intéressés par la même croisière ;) Abdallah Cruz Nahri : +20 102 564 78 01)