


6h15, j'ouvre l'oeil, le jour est là. Les coqs ont allègrement chanté à 4h du matin, un peu déphasés les galinacés!!
Je me précipite en dehors de la tente pour vivre ce moment inédit: pouvoir marcher seule au petit jour dans ces ruines du temple de Banteay Chhmar au pied duquel nous avons dormi. La vie du village aux alentours se réveille également, de-ci de là une moto passe sur les chemins alentours qui contournent le temple, avec un, deux, trois, voire quatre passagers de tout âge à bord! Les coqs se remettent à chanter, les oiseaux pépient dans tous les sens alors que le soleil monte progressivement par dessus les arbres pour venir lentement éclairer les ruines et la terrasse de Banteay Chhmar.
Je passe ainsi une heure et demi à profiter du lieu, en toute solitude. Contemplation.
Le petit déjeuner nous est servi sur la pelouse devant les tentes, on découvre les gaufres à la farine de riz et à la coco râpée, parfaitement accordées avec notre petit thé au jasmin, alors que les gars s’enfilent des « fried noodles »!
Nous voilà prêts à enfourcher les vélos loués dans le village, pour une exploration des petits temples alentours et de la campagne cambodgienne, notre guide Ponlok en tête.
Rien de mieux que le vélo pour allier observation des paysages, des scènes de vie, des maisonnées, tout en sillonnant une belle distance. On longe les champs de manioc, les rizières, on croise des motos, des tracteurs, des piétons.. Tous ont un mot gentil à notre adresse, toujours heureux de nous saluer, c’est un bonheur de faire signe à chaque passant croisé.
« Hello! Hello! », les enfants sont fous de joie quand on leur fait signe aussi. On gagne un premier petit temple perdu sous les lianes mais extrêmement bien conservé, on explore la campagne, on roule jusqu’à un très grand et très joli lac artificiel à l’histoire sombre: ce sont les villageois esclaves de PolPot qui ont creusé à la force des bras cette immense étendue d’eau. Ponlok a les larmes aux yeux en nous racontant son histoire familiale: lui aussi a fui son village dans les années 70, il avait 14 ans, et a vécu trois ans en camp de réfugiés en Thailande avant de revenir sur ses terres. Il nous montre un massif montagneux au loin qui marque la frontière, qui n’est qu’à une trentaine de kilomètres. On poursuit la route, le soleil tape de plus en plus fort dans un ciel bleu limpide, on a l’impression que la saison sèche s’installe, il y a tout de même une petite brise qui se lève de temps et temps, la balade est très agréable. Je crois que je pourrais rouler des heures ainsi à contempler les paysages et les villageois.
Ici un barbier, là un coiffeur, un étal de légumes, des écoliers qui rentrent pour la pause de midi. Là un troupeau de vaches qui passe au milieu de nous tous, des buffles d’eau farouches dans les marécages. On se rafraîchit chez une famille (la mamie dort tranquille dans son hamac juste à côté de nous!) qui nous montre ses casseroles fumantes, et nettoie ses oeufs un peu particuliers : ils contiennent des poussins cuits à l’intérieur… beurk!!!
Le repas est pris dans les jardins de l’office de la communauté, je me prends à rêver à une Guest-house de charme qui pourrait être créée dans la grande maison coloniale rouge qui est quasiment à l’abandon, celle où nous avons pris la douche à la tasse la veille, alors qu’elle a un potentiel énorme. Je suis persuadée qu’avec un bon coup de balai et d’éponge, un peu d’idées et des tas d’objets locaux, on pourrait en faire un lieu d’accueil des voyageurs simple mais très cosy, qui donnerait envie de se poser plusieurs jours à Banteay Chhmar pour vivre le village.
On gagne notre Homestay pour la nuit prochaine, pas particulièrement charmant (du carrelage partout!) mais très confortable et aux hôtes discrets et souriants, où la looonnnngue sieste sous la fraîcheur de la clim répare les corps un peu abattus par la chaleur du matin.
Et c’est reparti pour la suite sur nos fidèles destriers à deux roues, nous gagnons un autre temple, au bord d’une immense douve avec son pont de bois à traverser pour gagner une île, porteuse d’un autre temple, incroyable le nombre de ruines médiévales présentes dans ce tout petit secteur!
Le coucher de soleil y est fantastique, on profite du calme tout en observant la vie des pêcheurs venus poser leurs filets, l’eau jusqu’à la poitrine, ou lancer leur ligne dans les roseaux.
On nous fait encore l'honneur de nous dresser le dîner au pied de la terrasse du temple, à la lueur des bougies et des torches de bois, et les musiciens sont là de nouveau, on a même droit un petit cours de danse cette fois!
La matinée suivante se passe à bord d’une charrette à boeufs, puis d’un « oxcart », une charrette tractée par un moteur de type « motoculteur », très utilisée ici, assez pratique pour se déplacer dans les chemins de terre. Passage au marché, on achète des petits sachets de poivre, et du riz séché « écrasé » utilisé pour faire des « mueslis » les nuits de pleine lune, à base de lait de coco, de sucre de palme et de bananes: comme une grosse envie de tenter ça au retour en France!!!
Nous découvrons ensuite les travailleurs d’un champ de manioc, la famille de Ponlok, qui nous montrent la récolte en cours, on passera même quelques dizaines de minutes à leur prêter mains fortes, l’arrachage se fait ici à la main.
On finit la matinée sur le site du temple de Banteay Torp, avec ses tours en ruine et sa jolie pagode qui le jouxte. Les buffles d’eau soupirent dans les marécages alentours, on sent la fin approcher, on voudrait arrêter le temps!
On nous dresse le déjeuner là, au pied du temple, encore une fois, mais quelle organisation! Toujours seuls… C’est bientôt l’heure de quitter nos hôtes, on a vraiment le coeur gros, à la hauteur de l’accueil qui nous a été réservé ici.
Basile propose alors deux tours de magie pour clore notre moment avec les membres de la communauté, un petit remerciement à notre façon qui semble les impressionner et leur faire chaud au coeur! On sent que les tours de carte ne font pas du tout partie de leur culture, et leurs yeux écarquillés et bluffés nous prouvent que l’intention les a touchés! On gardera longtemps dans nos coeurs ces moments privilégiés passés à Banteay Chhmar, auprès d’une communauté de villageois qui se plie en quatre pour accueillir avec éthique et solidarité tous les touristes venus les voir, et qui mérite largement d’en accueillir plus : n’hésitez plus, venez découvrir ce Cambodge rural si attachant!!!