Nous avons réussi à organiser un transfert en taxi entre Takayama et Magome, notre prochaine étape, avec départ dès 7h du matin pour pouvoir faire la fameuse randonnée Magome-Tsumago en ce 15 août. En effet, comme on devait y aller en voiture de location, j’avais compté sur 1h30 de trajet seulement, et prévu une seule nuit sur Magome après la rando. En bus et trains, le trajet durait beaucoup plus longtemps, et puisque la météo était très incertaine en raison du typhon arrivé le jour-même sur l’ouest du Japon, je préférais assurer le coup et randonner le matin.
Cette rando, facile et relativement courte (seulement 8 km !), qui relie donc le petit village de Magome à celui de Tsumago, emprunte le Nakasendo, un chemin médiéval commercial de l’ère Edo, qui reliait Kyoto à Tokyo. Elle est célèbre car les deux villages étapes, parmi les nombreuses « stations » de repos pour les voyageurs à cheval, ont su parfaitement préserver leur charme historique, grâce à un important travail de restauration à la fin des années 60 et à des règles strictes (et on a compris que les règles strictes étaient parfaitement respectées ici !) qui interdisent de vendre, louer ou démollir les maisons des villages.
On a donc déposé les bagages à l’auberge, toute traditionnelle, trop mimi avec son moulin à eau, et on a commencé à marcher vers 9h30. Ca grimpe un peu au début, puis ça redescend tranquillement. La pluie se met rapidement à tomber, on sort les parapluies, mais il fait toujours chaud, on est un peu rafraîchis. Personne sur le chemin, ni même d’ailleurs dans Magome au départ, ce qui confère à la balade un charme supplémentaire indéniable. Les nuages montent dans les montagnes. La pluie devient transitoirement plus forte mais ne nous empêche pas d’avancer, on s’arrête pour sonner les cloches dédiées à faire fuir les ours ! (et d’ailleurs, le grand a beau avoir 16 ans, il a consciencieusement voulu lui aussi sonner les cloches après ses frère et sœur !). Partout l’eau est présente : dans le ciel, sur nos parapluies, sur les feuilles d’arbre, dans la rivière que nous longeons tout du long, dans les cascades que nous croisons, dans les rigoles de caniveaux … L’eau chante partout autour de nous. Le paysage est très vert : fougères, cèdres du Japon, sapins, mousses, ponctuent ce chemin fait de route, terre, gravier, pavés, escaliers… Un petit air du Petit Chaperon Rouge version Pays du Soleil Levant ! (après Boucle d’Or et les trois ours de Shuzenji, je vois des contes pour enfants partout !). Bientôt nous arrivons à la maison de thé, une antique bâtisse de bois au milieu de la forêt, tenue par des volontaires qui se relaient pour accueillir les randonneurs et leur offrir une tasse! Le sourire du monsieur est un plaisir, il a quelques mots d’anglais, et entretient fidèlement son foyer où trône la vieille théière en fonte et son poisson suspenseur. Cette ancienne ferme vieille de plus de 250 ans servait de poste au garde forestier qui surveillait la contrebande de bois et permettait une halte au voyageur, commerçant comme valeureux samouraï ! L’intérieur est enfumé, on déguste le thé tout léger, le meilleur qu’on ait gouté au Japon pour le moment ! Les enfants ont le droit de se servir dans l’abreuvoir où sont conservés dans l’eau fraîche des petits légumes à croquer (tomates et concombres). On quitte à regret cet endroit hors du temps où l’on se verrait bien rester, autour du feu, juste pour la présence, sourire contre sourire. La balade se poursuit, les deux plus jeunes font la course en jouant à des jeux de Ninja et Princesse, le décor est inspirant je pense ! On croise de temps en temps des pierres sacrées, dissimulées sous la mousse et sur le bord du chemin, qu’il faut deviner dans la verdure :les dosojin. Elles représentent les bons esprits qui protègent les voyageurs des mauvais esprits (comme dans « Pincesse Mononoké » , encore ce fameux Myazaki !). Nous arrivons à Tsumago vers 12h30 : ce village est aussi charmant que Magome, moins pentu, on fait encore un grand bond dans le temps, d’autant que ici aussi, personne ou si peu de monde ! Est-ce la pause méridionale, ou la pluie qui a rebuté le touriste ? probablement les deux ! En tous cas, la pluie s’est arrêtée avant notre entrée dans le village, et nous avons pu bien profiter de ses rues, ses façades, ses arbres délicatement taillés. Des centaines de libellules orangées virevoltent dans les rues à hauteur de visage, et quelques enfants tentent de les attraper avec leur épuisette, si c’est pas digne d’un conte de fée ça aussi ! On se pose sur des bancs pour notre pique-nique, mais la pluie reprend, plus forte, et nous contraint à attraper le bus du retour sur Magome. Cette ambiance de montagnes dans la brume, de pluie forte ou fine, de vent qui se lève (on est juste bien côté températures !) est parfaite pour vivre pleinement le mystère de la montagne! A Magome la pluie s’est arrêtée, les enfants profitent de leur futon à l’auberge, les parents s’offrent un goûter dans le salon de thé d’en face (rien de gourmand ici, toujours du délicat !). Après la douche, on revêt pour la première fois du voyage un yukata fourni par l’auberge, pour aller prendre le dîner, notre premier diner traditionnel ! Félix exulte, Basile est moins enthousiaste, et c’est beaucoup trop grand pour Zoé qui reste en pyjama. Nous ne sommes pas dans un riokan (ces auberges de luxe japonaises qui offrent des repas extraordinaires mais très très chers), mais la qualité est tout de même au rendez-vous, les plateaux sont superbes, on dirait des tableaux ! Par contre on mange à 18h ! On avait commandé trois plateaux pour cinq, et ce fut largement suffisant…On se retrouve donc rapidement dans le confort des futons (oh ces couettes parfaites encore ! par contre le matelas est vraiment fin, et l’oreiller est rempli de riz !), et j’ai ainsi du temps pour trier mes photos et écrire mes récits de blog ! Le petit déjeuner du lendemain, traditionnel lui aussi, est étonnant, mais c’est un régal (on apprend à créer son maki avec ses baguettes, à partir de la tranche de saumon (un délice), de l’omelette sucrée et de la feuille d’algue séchée mise à disposition : on n’est clairement pas aussi doués que la cuisinière !), et nous voilà prêts à quitter ce petit nid dans les montagnes pour gagner Kyoto aujourd’hui, c’est le retour en ville !
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