Voilà un autre trésor de Madagascar : le massif de l’Ankanara, au cœur du royaume des Ankanaras, un peuple qui a ici toujours ses traditions bien ancrées ! Plus de 18000 hectares de forêt humide et de massif karstique, ici les Tsingy sont gris ! Et encore une fabuleuse réserve de faune à débusquer. Nous commençons à marcher dès 8h car c’est une rando de cinq heures qui nous attend, sous une chaleur de plomb. Notre guide, Eva, nous conduit d’abord à travers la forêt vers « la Perte des Rivières », un immense trou circulaire naturel où convergent, lors de la saison des pluies, trois rivières, en un tourbillon géant dont le flux aspiratif s’entend à plusieurs kilomètres à la ronde ! L’une des rivières souterraines chemine ensuite sur 40 km pour aller se jeter dans le canal du Mozambique, plein Ouest. Cet endroit a quelque chose de réellement magique, presque surnaturel… Cet endroit n’est accessible qu’en saison sèche (on a de la chance, on est pile à cheval sur les deux saisons), et est impossible à voir en saison des pluies, puisque totalement recouvert d’eau. La régularité du cercle est étonnante, et les couches karstiques en crêpes forment un véritable amphithéâtre, qui n’est pas sans rappeler les merveilleux paysages que nous avions arpenté dans le Karijinii dans l’Ouest australien. D’ailleurs cette randonnée va vite prendre des allures d’Indiana Jones car nous nous retrouvons nez à nez avec un boa, oui un boa !!, qui dort paisiblement en pleine digestion au bord du chemin ! Il est déjà bien grand (3 mètres ?), et on est fascinés par la bestiole…
On continue la marche, on est déjà bien dégoulinant alors qu’il n’est pas encore 9h, et nous voilà bientôt arrivés sur une « tourelle » d’observation face à l’immensité des Tsingy Rary, énormes massifs karstiques gris à perte de vue, du calcaire érodé aux dents dressées vers le ciel, mêlé à des roches volcaniques brunes, où la végétation tente de ci de là de se faire un passage. Notre premier caméléon du jour nous attend sur une liane, impossible de me souvenir du nom de l’espèce -zut !- dans un joli vert avec des taches rouges et une ligne blanche latérale qui lui est propre. Ses yeux qui roulent dans tous les sens me fascinent, et il a enroulé sa queue en escargot comme dans les livres ! Mais voilà qu’un groupe d’une dizaine de touristes arrive et vient nous gâcher le plaisir : ils se ruent sur la liane et la petite bête remonte aussitôt se cacher, elle a bien raison… Je suis fâchée mais je ne parle pas les langues de l’Est, je crois cependant qu’ils ont compris mon anglais : aucun respect pour la faune sauvage ! On attaque maintenant la marche cahotique dans les Tsingy, en plein soleil, et on dégouline tout ce qu’on peut ! On y voit des variétés de tout petits baobabs endémiques, qui stockent l’eau, et beaucoup de mille pattes énormes, pour les plus grands cris de Zoé ! On arrive bientôt à un point de vue joignable à condition de traverser deux passerelles suspendues : c’est trop pour le vertige de Pierre qui nous attend sagement, le temps de notre aller-retour ! C’est vraiment un paysage lunaire, dont on ne s’attend pas en sortie de forêt ! Demi-tour puis retour dans la forêt où un « Lepilemur », une variété de lémurien nocturne gris, fait la sieste en deux branches, mais il est trop loin pour l’attraper correctement en photo (et oui frustration toujours… l’histoire de mon appareil de la veille…). Un autre caméléon (de la même espèce que le précédent), nous permet de l’observer attentivement. Le caméléon, comme le serpent, est un animal « tabou » à Madagascar : si on le trouve dans une case, on considère qu’il va y amener de mauvais esprits (la religion animiste est encore très présente ici), il faut donc les tuer pour conjurer le sort ! Pauvres bêtes…Arrive l’heure du pique-nique, on sort nos énoooormes avocats de la veille et on se régale de tranches à même de la baguette emportée du petit déjeuner ; on fabrique aussi du guacamole nature, à même la coque du fruit, tant la chair est fondante, dans laquelle on trempe des tortillas. Un régal. Sur le chemin du pique-nique, voilà qu’on croise un autre joli serpent, pas un boa, mais d’une sacrée taille tout de même !! Et deux lémuriens diurnes, de l’espèce Lemur Coronatus (couronné), grignotent en hauteur dans les arbres. La suite de la randonnée se dirige vers « la Grotte aux Chauve-Souris », une immense grotte qu’on explore à la frontale, notre guide nous emmenant assez loin à l’intérieur. Des milliers de chauve-souris qu’on entend piailler, de belles araignées sur la pierre, c’est l’aventure dans le noir ! On est épuisés mais heureux quand on regagne la voiture, la journée aura été fructueuse ! 11 kilomètres à pieds aujourd’hui, dans une chaleur intense, on est littéralement trempés ! Il faut reprendre la route pour gagner Ambanja, notre dernière étape avant de rejoindre Nosy-Be où nous attend la deuxième partie du voyage (je ne révèle rien, surprise !). Vers seize heures la pluie commence à tomber, mais la vie sur la route poursuit son cours, pieds nus de rigueur, c’est pratique pour ne pas risquer de tremper ses chaussures ! Les cases de bois, de bambous ou de tôle s’égrènent le long de la route, les chars tirés par les zébus, les vélos avec leurs chargements improbables (l’un deux transporte un veau mort sur le porte-bagages, d’autres sont chargés de poissons), les femmes portent fièrement les sacs de charbon sur la tête, les taxis-brousse que nous croisons semblent participer à un concours de la plus haute tour de bagages sur le toit ! Les enfants jouent dans les bas-côtés, je ne peux pas m’empêcher de penser aux éventuels accidents, même s’ils sont plutôt habiles pour sauter dans les fourrés au dernier moment. La lumière réapparait à l’horizon alors que la pluie bat son plein, les couleurs sont alors totalement mystiques, une petite transe intérieure s’empare de mon esprit, c’est mon moment de méditation entre les nids de poule (je dirais même d’autruches !!) ! Nous arrivons à Ambanja sous un orage apocalyptique à la nuit tombée: il semble que ce phénomène s’appelle « les pluies de l’intersaison ». Le concept : il y a la saison des pluies, où il pleut énormément, et la saison sèche, où il ne pleut plus du tout. A la liaison entre les deux saisons, il y a des pluies et des orages encore très intenses de fin de journée, et nous en avons essuyés déjà quelques-uns ! Mais nous avons plutôt eu une sacrée chance jusque maintenant car ces moment diluviens ont toujours eu lieu alors que nous roulions, bien protégés par la voiture ! Encore une nuit chaude qui s’annonce, sous le chant des geckos… et les piqûres de moustique (vive la Malarone…) !, qui ne m’empêcheront pas de rêver déjà à la journée suivante…
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