Miyajima, c’est une île très connue en face de Hiroshima, dans la baie intérieure de la mer de Seto.
A 10 minutes de ferry de la côte, c’est un lieu de villégiature bien apprécié des Japonais, et un endroit parfait pour une journée d’escapade aux paysages différents de ceux qu’on a pu admirer jusqu’alors. Miyajima fait parler d’elle par son célèbre torii vermillon, posé sur le sable en amont de l’île, tel un gardien des lieux sacrés, en partie immergé à marée haute. C’est une île jumelée au Mont St Michel ! Miyajima est aussi populaire pour ses daims, nombreux et pas farouches pour deux sous, pour ses anguilles caramélisées, ses huitres énormes cuisinées, et ses petites feuilles d’érable, symbole-mascotte de gâteaux et sucreries en tous genres !
Mais Miyajima, ce fut pour nous une nouvelle très belle rencontre, celle de Yann Meunier, un Français établi sur Hiroshima depuis douze ans, devenu guide, un guide pas comme les autres qui nous emmène dans ses rues secrètes, chez ses artisans cachés, sur ses spots avec vue que personne ne connait ! Je l’avais contacté il y a plusieurs mois, et la matinée passée avec lui a dépassé toutes nos attentes ! Rendez-vous était donné à la gare de Miyajimaguchi, avant de prendre le ferry. Yann est un gars haut en couleurs, qui, tout en n’ayant pas sa langue dans sa poche -en bon français- est tombé amoureux du Japon, de ses valeurs de calme, de respect, de discrétion, d’obéissance, dont il dit qu’elles lui ont amené sérénité et zénitude. Il faut dire qu’en tant qu’ancien policier à Paris, on comprend qu’il ait apprécié l’éducation générale des Japonais ! Il est aussi tombé amoureux d’une pâtissière japonaise, et leur petit garçon de 8 ans est le jumeau de Zoé à quelques heures près ! Il a d’emblée débuté la visite par un geste qui nous a beaucoup touchés, il nous a fait moitié prix sur le tarif, qui était déjà un tarif très avantageux post-covid, voilà donc un grand seigneur… Puis il nous fait pénétrer dans l’atelier d’un couple de potiers qu’il connait bien, alors que le travail n’a pas vraiment commencé ! Il est 8 heures, il fait déjà chaud, il nous explique les techniques de poterie, la laque, les fours, et on réalise que tout est encore très artisanal, pas de normes dans tous les sens ici comme en France, qui interdiraient d’ailleurs ce genre de visites ! Un Japon encore ancestral… Arrivé sur Miyjima, la visite consiste en un astucieux circuit de sa patte, totalement hors de sentiers battus, qui nous fait découvrir le village par les coulisses, et non par la principale rue commerçante, grâce à ses connaissances sur place. Ici, on pénètre dans la boutique d’un poissonnier en train de préparer ses commandes, on traverse la maison, on débouche dans l’autre rue, on emprunte des passages, on découvre l’architecture en torchis et bambous de toutes ces maisons mitoyennes ; là on arrive sur un vieux temple qui semble abandonné de tous, on prend une leçon de shintoïsme, on grimpe sur un point de vue très chouette, dans l’herbe haute. Un peu de botanique, un peu d’histoire du Japon, un peu de faune, beaucoup d’échanges sur la culture et le quotidien des Japonais, mis en perspective par rapport à nos réactions et notre éducation françaises, on parle santé, école, travail, éducation, machines à pince et distributeurs de boisson !, le tout dans un état d’esprit très décontracté, relax, tout en étant rythmé ! Yann sait donner la pêche, il sait nous faire courir pour capturer des instants éphémères de lumière, il a l’œil du photographe, il a la tchache pour captiver les ado et les parents ! On sympathise très vite, là aussi, notre malheureuse expérience a probablement aidé à cette rapide connivence. Il nous présente à deux petites dames qui tiennent un resto tout simple, qui ne paie pas de mine, dans une petite clairière au milieu des daims, on réserve notre table pour la suite, on y sera tout seuls et traités en rois, repas en tailleur, un délicieux curry pour Félix et moi, contre une fameuse anguille caramélisée pour Basile et Pierre (Zoé reste classique avec un riz grillé aux petits légumes), le tout sur fond de match de base-ball, le sport national au Japon ! Qu’on est bien ici au frais ! Notre « godchiso sama déchita » (merci beaucoup c’était délicieux) fait fondre nos hôtes, on le répète plusieurs fois, ça les met en joie, elles nous remplissent nos gourdes avec de l’eau fraîche et des glaçons, voilà le genre d’endroits où l’on prendrait bien ses habitudes de comptoir !
Yann semble connaître tout le monde sur Miyajima, particulièrement les habitants du village, ses artisans encore présents, ses petites mamies, et on voit bien que sa douceur et son humour les ont charmés avant nous ! On passe devant le fameux sanctuaire d’Itsukushima, les pieds dans la marée, blindé de touristes qui font la queue pour marcher sur les planchers à la surface de l’eau. Ce sera sans nous, pas son style de nous emmener au milieu de la foule ! Petite photo devant le torii tout de même, mais on ne s’éternise pas, et nous voilà à remonter vers le temple Daisho-in et ses dizaines de statuettes magnifiées par des pulvérisations de nuages de brumes, aléatoires, il faut passer au bon moment ! Zoé fond de tendresse pour les daims qui adorent les feuilles de cerisier, on ne peut plus l’arrêter… On se quitte vers 13 heures après une matinée passionnante, et le sentiment d’avoir vu Miyajima d’un œil particulier, avec ses secrets bien gardés 😉
Après le repas reposant et régénérant, nous voilà prêts pour attaquer le Mont Misen… en télécabine ! c’est une forêt primaire qui recouvre les reliefs de l’île, et après une vingtaine de minutes d’une montée qui révèle la beauté des paysages de la baie, on doit continuer à pied sur une trentaine de minutes pour gagner un panorama de fou à 360° ! Il fait très chaud, l’effort est intense, mais on est récompensés par la vue…ça sent bon le pin, le camphre, l’encens… A mi-chemin, un temple sur le côté, où personne n’ose entrer, offre un moment de grande sérénité, avec ses portes et panneaux qui s’ouvrent sur la baie, on est assis et on ne peut plus se relever ! Ouh qu’elle serait bonne la sieste sur le plancher, au-dessus du vide ! De retour en bas, la glace est un régal, un daim lèche allègrement les bras sucrés de Zoé puis ne veut plus me lâcher, manifestement leur régime n’est pas fait que de feuilles de cerisier ! On quitte l’île à regret, on doit gagner Onomichi dans la soirée, mais on serait bien restés une nuit ici dans l’intimité du soir une fois que les touristes ont regagné la côte… ou l’impression d’une vraie journée de vacances dans le voyage !
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