
Je jette ici en vrac des petites ou grandes considérations sur les Philippines, que je n’ai pas forcément réussi à placer dans mes récits, mais qui peuvent aider à appréhender un peu plus le pays, sa culture, son quotidien… et qui permettent de voir que les clichés qu’on peut avoir sur ce pays sont vite balayés dès qu’on prend la peine de construire soi-même son voyage pour s'écarter de la foule et vivre pleinement l’authenticité qu’il continue d’offrir !
1. Sandflies et kalamansi : Ces petites mouches des sables quasi invisibles qui ont la fâcheuse tendance à s’inviter sur les plus belles plages du monde ne font pas exception. Je ne me souvenais pas avoir lu ça sur les Philippines jusqu’à ce que je me fasse dévorer sur à Duli Beach, au nord de Nacpan, alors que j’étais allée me promener seule à l’autre extrémité de la plage qui était déserte (et je me suis dit après coup que c’était peut-être pour cette raison qu’elle était déserte!!). Je ne me suis rendue compte de rien bien sûr, c’est seulement le lendemain matin au réveil que les boutons sont apparus avec de terribles démangeaisons! Alors que Pierre et les enfants, qui n’étaient pas allés si loin en exploration, n’avaient eux aucune piqure. Forte de la leçon apprise à Madagascar sur le soulagement apporté par le frottement des piqures avec du citron, j’ai parlé de ça avec un des membres du personnel du camping de Nacpan: il n’avait jamais entendu parler de cette solution ! Il semble que les Philippins ne se fassent pas piquer et qu’il s’agisse surtout d’un problème de touristes, en raison de la peau claire. Il s’est précipité pour aller m’acheter des kalamansi, ces tout petits citrons des Philippines, pas plus gros que le pouce, à l’écorce verte mais à la chair orange, et oui, ça a marché !! On a passé le reste du voyage avec nos kalamansi dans le sac, qui nous ont bien soulagés sur la suite du voyage où malgré les répulsifs, on a tous attrapé quelques piqures de plus aux îles Balabac!
2. Population transgenre: on a été étonnés de voir de nombreux transgenres aux Philippines, qui semblent parfaitement acceptés et intégrés par la population. Nous n’avons vu que des gens du sexe masculin genrés féminins, assez caricaturaux d’ailleurs car ils ne poussent pas la transformation physique très loin, s’épanouissant semble-t-il avec un rasage de près, une jolie coiffure, des talons et une attitude féminine poussée à l’extrême (déhanché, gestuelle, voix).
Une de nos hôtesses à l’hôtel sur l’eau de Coron était transgenre, et a complètement craqué sur Zoé: « she is so cuuuuuute!!!!! »! Elle a demandé à Zoé si elle était d’accord pour un « big hug » le jour de notre départ car je crois qu’elle reconnaissait en notre Zozo toute la « girl attitude » qu’elle aurait aimé vivre dans son enfance…
Ce fut l’occasion d’une belle discussion en famille sur le genre, le sexe de naissance, et la différence avec ce que certaines personnes ressentent en elles, la souffrance terrible engendrée, le parcours pour oser s’affirmer, les traitements, la problématique du regard des autres qu’on ne ressentait pas du tout ici aux Philippines, etc.
C’est ça aussi le voyage, des occasions de discussions philosophiques et sociales servies par le quotidien des autres peuples du monde. Alors que j’essayais d’expliquer le parcours qu’avait du être celui de cette serveuse de l’hôtel, me perdant un peu entre « il » ou « elle » pour la désigner, Zoé m’a vite reprise : « ben en fait, c’est une fille, puisque ça se voit qu’elle veut être une fille, donc on dit « elle » et puis c’est tout ». Et oui, et puis c’est tout. Toc!
3. Des hommes petits qui disent oui avec les sourcils : Félix à mi-parcours du voyage a réalisé que la taille moyenne des hommes aux Philippines était plutôt modeste, souvent pas plus grands que moi. N’étant pas parti lui-même pour être un géant, ça l’a beaucoup rassuré de voir que finalement, le vécu de la taille n’était pas un problème dans de très nombreuses cultures du monde, notre tendance à dénigrer les petits étant très occidentale. Ce qui m’a fait sourire de mon côté, c’est de voir qu’ici aux Philippines, les hommes utilisent aussi la communication par le haussement des sourcils, comme on a déjà pu le voir avec les Kanaks de Nouvelle-Calédonie et les Aborigènes d’Australie: et oui, les Philippines, c’est déjà le début de l’Indonésie, et toutes ces cultures ont une origine géographique ancestrale commune. Je trouve ça magique l’ethnologie!
4. Des chiens et des chats partout: c’est un fait, comme dans presque tous les archipels du monde, les Philippines sont envahies de chiens et de chats, souvent boiteux ou galeux, qui font naître la pitié ou le dégoût selon ses sensibilités personnelles pour les animaux. On est souvent sollicité par un regard implorant ou un miaulement désespéré lorsqu’on est à table, et Pierre qui n’aime ni l’un ni l’autre a le don paranormal de systématiquement les attirer! Zoé - qui au contraire ne sait pas fondre en amour devant ces petites bêtes- voulait sans cesse les caresser, il fallait tout de même faire preuve de prudence mais nous n’avons jamais rencontré d’attitude agressive de leur part.
5. Le basket! C’est le sport national!! Pas un hameau ne possédant un panier de basket quelque part, de fabrication parfois très artisanale, pas un village ne possédant son terrain, qui, à l’image de nos salles des fêtes françaises, accueille les grands événements annuels. Partout les enfants jouent au basket, dès tout petits ils maîtrisent le dribble! Je me demande si les Philippines ont une équipe nationale, mais la taille des gens ici doit possiblement leur faire défaut face aux grandes équipes mondiales. En discutant de ça avec le patron du camping de Nacpan, il nous expliquait en fait que le sport le plus populaire aux Philippines est la boxe, suivie de près par le basket puis le base-ball : l’ingérence américaine du début du siècle jusque dans les années 50 a laissé des traces très fortes, pas un Philippin qui ne suive pas assidûment la NBA!
6. La coco et les cocotiers : ils dessinent les paysages et s’élèvent parfois très hauts dans une position élégante et majestueuse, balayés par les vents. J’adore les cocotiers. Et par endroit l’odeur de l’huile inonde l’air, quel délice. Mais attention, les chutes de coco peuvent être mortelles. On a toujours trouvé un Phiippin pour venir nous demander de ne pas rester dessous, j’imagine que le taux de traumatismes crâniens graves doit être notable ici, j’aimerais bien avoir la biblio médicale !!!
7. Les « mauvaises manières » : si on a encore un petit doute sur les racines asiatiques des Philippins, ils sont vite levés dès qu’on les fréquente. Comme dans la majorité des pays d’Asie, les rots, les crachats, les mouchages et autres savoureux raclements de gorge sont des attitudes normales ici. Cette barre de rire des enfants quand, à l’aéroport de El Nido, un gars de la sécurité m’a rôté de façon princière à la figure alors qu’il était en train de me demander si on avait prévu un taxi !!! J’ai réussi à garder mon sérieux, et faire comme si tout était normal alors que les trois loustics gloussaient dans mon dos.
8. Les WC : AAAAAH, les WC!!! on ne peut pas faire un chapitre sur la vie quotidienne sans évoquer la problématique des WC, c’est mon dada vous le savez. Les sanitaires traditionnels philippins regroupent dans le même tout petit espace, appelé banyo, la cuvette des WC, le saut et la louche pour la chasse d’eau, et la douche. La cuvette est souvent toute petite comme dans les écoles maternelles, et donc très basse. Un peu déroutant pour nous, mais finalement, on le sait bien, c’est eux qui ont raison car la position accroupie est la plus physiologique pour se soulager les intestins! Non, ce qui est fourbe dans ces WC, c’est que la position basse de la cuvette nécessite de se baisser pour verser la louche de rinçage : conséquence, on n’est pas à l’abri d’une éclaboussure inopinée au moment où on verse à grandes eaux la louche dans la cuvette, en prenant au passage quelques gouttes de son pipi !!! C’est du vécu!!! Tant que c’est le nôtre, de pipi!!!
9. Les side-cars : mon grand regret sera de ne pas avoir réussi à capturer dans l’objectif ces familles nombreuses perchées sur ces side-cars qui sillonnent les Philippines. Mon deuxième regret, ne pas savoir faire de moto, ça nous aurait bien aidé pour les déplacements ! D’autant que le camping de Nacpan mettait à disposition gratuitement des scooters. Mais j’ai entendu trop d’histoires d’accidents de touristes qui dérapent et se brûlent méchamment la peau pour avoir eu envie d’essayer, et sur Nacpan justement, où la route est cabossée et ensablée, on a vu trois accidents en deux jours (pas méchants mais quand même) qui nous ont conforté dans notre décision de prendre les tricycles !
10. La cuisine : réputée plutôt mauvaise, la cuisine aux Philippines s’avère une bonne surprise si on prend la peine de manger Philippin. On a adoré le poulet Adobo, des morceaux de poulet marinés dans du vinaigre aigre-doux puis cuits ensuite, il est servi partout. Le poulpe pour les amateurs est souvent très bien cuisiné. L’aubergine est maitrisée sous toutes les coutures, et ils confectionnent des tout petits nems croustillants qui se laissent bien grignoter! On a découvert les kalamansi, et les pastèques à la chair jaune, les bandi kasoy à la noix de cajou, les confiseries de chair de coco caramélisées… Par contre effectivement, ils sont assez fan de fritures en tous genres, et là, c’est très moyen!
11. Le tourisme : c’est ce qui m’avait le plus fait douter avant de partir. Je voulais découvrir les Philippines depuis de très nombreuses années, mais j’avais entendu dire que cette destination était très touristique et j’avais peur d’être déçue à cause de ça, ayant du mal avec la foule. Comme partout, il suffit de bien étudier ses sentiers pour se retrouver facilement seuls au monde dans des décors paradisiaques ! Partir tôt le matin, rester jusqu’en fin d’après-midi, rien que ce petit arrangement d’horaire permet de contourner les groupes qui partent et rentrent aux mêmes heures. Et tenter aussi les endroits moins connus, tout aussi beaux que les autres. Savoir aussi parfois renoncer à des merveilles pleines de foule et profiter des petits paradis sauvages qui sont à quelques encablures, comme on l’a fait pour El Nido. Et par moment, savoir casser la tirelire pour vivre des moments exceptionnels comme à Coron sur cet hôtel sur l’eau, ou cette expédition aux Balabac. On ne regrette jamais ce genre de folies… Par contre, le profil des autres touristes est toujours le même : des jeunes trentenaires en couple ou entre amis, donc des touristes au profil plutôt sympa, cool, pas pressés. Nous faisions partie des exceptions, nous n’avons pas croisé d’autre famille avec enfants !!!
12. L’accueil des Philippins : il est sincère et gentil, toujours prêt à aider, pas blasé par la présence des touristes. Si l'anglais est très bien maitrisé à Bohol, c'est loin d'être le cas dans les autres îles, où il est parlé de façon plus que basique par la population générale, ne rendant pas toujours facile la communication! Les Philippins sont alors très gênés de ne pas réussir à nous comprendre bien, et font tout pour qu'on y parvienne quand-même, on finit par faire confiance et ça passe ! Par dessus tout, aucune insistance pour vendre ses prestations, pas d’artisanat donc aucune sollicitation de ce côté, et une vraie honnêteté, aucune tromperie sous-jacente. On a eu plusieurs exemples : dans le ferry entre Cebu et Bohol, j'ai oublié un sac avec mon drone : j'avais écrit mes coordonnées dessus, un personnel de l'équipage l'a trouvé et me l'a gardé précieusement jusqu'au bateau du retour. Je l'ai encore oublié (je sais, je suis incorrigible) dans un tricycle à Siargao, là aussi le chauffeur me l'a ramené une quinzaine de minutes plus tard quand il s'en est aperçu! Enfin l'agence locale qui a organisé notre petite expédition aux Balabac nous a remboursé 20% du tarif suite à nos désagréments de bateau, beau geste!
13. Les déplacements entre les îles: si on veut voir plusieurs îles, on est contraint de passer du temps dans les transports : il faut compter une demi à une journée entière selon les endroits que l'on rejoint. Les tarifs des avions inter-îles sont très abordables si on les réserve bien en avance (jamais plus de 50 euros par personne le segment pour des vols d'une heure en général), et on a peut-être eu de la chance, mais tous nos vols ont été très ponctuels! Si on avait eu plus de temps, on aurait à l'évidence passé une nuit de plus sur chaque étape, mais pour avoir trois semaines de congés il aurait fallu partir en juillet/aout, et c'est la saison des pluies!
14. L’écologie enfin : une bonne surprise aussi. Les Philippines ont su évoluer et on a trouvé les îles franchement très propres comparativement à ce qu’on avait déjà vécu en Asie. Le recyclage est en marche partout, pas de plastique sur l’île, pas de déchets (ou si peu) au bord des routes, les endroits sales étaient plutôt exceptionnels, bravo !
Voilà, on a adoré nos quinze jours ici. Conscients qu'il y a encore tant à explorer, on a quand même l'impression d'avoir goûté à différentes facettes de l'archipel, cette culture mixant Asie et Amérique du Sud, avec ces paysages de rêve, est finalement assez unique dans le monde!
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