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L'hospitalité ouzbek




Nous voilà revenus dans la steppe pour avaler des kilomètres derrière des Lada toutes plus improbables les unes que les autres! Quatre heures de route que nous ponctuons d’arrêts variés : Nourata, sa source sacrée et les ruines d’une des forteresses d’Alexandre-le-Grand (rien que ça!), les restes d’un caravansérail du XIe siècle (à l’époque de la route de la Soie, ils accueillaient les caravanes tous les quarante kilomètres, c’était les stations Esso de l’époque, avec points d’eau pour les chameaux, zone de commerce et de trocs, et hôtellerie à la nuitée), un puit du XIVe siècle : ce qui est étonnant, c’est que ces vestiges historiques siègent le long de la route à quatre voies , pas glamour du tout, mais finalement, la Route de la Soie est restée la route d’aujourd’hui! Pause melons au bord de la route, c’est juteux et délicieux, la variété qu’on dévore s’appelle « Vieille Fille » car ils sont tout ridés! On goûte ensuite aux shashliks, les brochettes de viande, qui sont, je dois l’avouer, moi la pas très viandarde, absolument savoureuses, elles sont servies avec des oignons crus très finement tranchés et arrosés de vinaigre. On reprend la route et on s’arrête de nouveau dans un atelier de céramiste, l’un des plus célèbres du pays… Pas de touriste ici, on a même du mal à trouver quelqu’un pour nous accueillir; finalement un artisan travaille seul dans sa pièce, l’ambiance est douce sous la lumière de l’après-midi et on ne peut pas dire qu’on soit poussé à la consommation, ce qui est très agréable! On arrive finalement à Shirin, le village natal de Pelotchoh, où l’on va passer la nuit. Nous sommes accueillis par son frère ainé, lui aussi enseignant en français et guide touristique, qui élabore ici depuis plusieurs mois un « lodge » ethnotouristique: son objectif est de proposer du tourisme rural, qui n’existe pas encore réellement en Ouzbékistan, en accueillant les touristes individuels dans une structure simple mais pleine de charme. Pour ça il mobilise toutes les ressources du village, cuisinier, artisans, maçons, c’est un sacré beau projet qu’il est fier de nous expliquer dans son intégralité. Il a même su glaner chez les habitants du village des anciennes pièces uniques de la vie rurale qui lui servent de décoration, c’est superbe, authentique, bref, tout ce qu’on viendrait chercher ici! Il a récupéré des poteaux en bois sculptés d’une ancienne mosquée du village qui allaient servir de bois de chauffage !, des portes ciselées splendides, des charrettes… Il a commencé un potager bio dans lequel il projette que les hôtes puissent venir se servir pour ensuite apprendre à faire la cuisine sur le four traditionnel qu’il a entièrement construit seul avec des briques et du torchis, il a implanté dans la cour centrale un petit champ de coton pour qu’on puisse venir le cueillir et apprendre la confection des boutis de sol et de lit. Il élève des poules, des dindes, des vaches, une petite faune locale pour les enfants. Il nous présente alors à son voisin, qui torréfie les noyaux d’abricots! On découvre que la variété d’Ouzbékistan permet, comme pour les amandes, que l’on récupère les noyaux dans les noyaux: ils sont torréfiés avec du sel à la force du bras du voisin, dans sa grande poêle sur le feu, on le regarde faire, le coup de main est extra et les noyaux délicieux, super pour l’apéro! Il nous en donne même un sac qu’il refuse qu’on lui paie… Sa femme fait la lessive à la main à côté, les enfants jouent et sont tout excités de nous rencontrer, c’est alors que les différents voisins du coin arrivent progressivement, piqués par la curiosité, l’un deux sort sa guitare et entame la chansonnette, je suis invitée à danser avec la femme du voisin, on fait rire les enfants, on passe un moment succulent au soleil couchant! La soirée sera tout aussi délicieuse autour du plat, du thé et de la vodka! Les voisins nous rejoignent, les enfants veulent apprendre des mots français, avec eux on rit et on échange chacun dans sa langue, on ne se comprend pas à proprement parler, mais le moment est cocace, chacun partageant son plaisir d'aller à la rencontre de l'autre. Récits passionnants de l’histoire de la région, du pays, du monde! Les conquêtes de Tamerlan, d’Alexandre le Grand, leurs stratégies, l’histoire de la langue internationale qui à l’époque de la Route de la Soie était le persan de Boukhara, parlé dans le monde entier (Lettres Persanes de Montesquieu!!! Nos guides, en plus de parler un français impressionnant avec toutes nos expressions du quotidiens les plus frenchies, ont étudié deux ans à la Sorbonne… on ne peut que s’incliner…), l’histoire de l’écriture, qui, bien avant l’avènement de l’écriture et des différentes calligraphies arabes, était partout sogdiane, c’est-à-dire issue de la région de Boukhara, l’histoire d’Avicenne, ce fameux philosophe et médecin perse, la légende de la « fuite » de la transmission de la fabrication de la soie par une princesse chinoise tombée éperdument amoureuse du plus grand riche commerçant persan, après sept siècles de secret industriel parfaitement gardé par les chinois! On continue de réaliser à quel point ce petit pays si méconnu de notre Occident, a été le berceau et l’épicentre de toute la vie politique, culturelle et commerciale mondiale des quinze premiers siècles de notre planète! C’est juste vertigineux!





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