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Immersion dans le volontariat de protection des tortues de mer : un rêve éveillé ...




La réserve Pacuare, et Arawak par la même occasion, pourront se vanter longtemps de nous avoir permis de vivre un rêve de toujours : approcher de tout près la vie naissante des tortues marines. La plage de Pacuare, comme toute la zone de Tortuguero, est un haut lieu mondial de pontes et de naissances des tortues marines, et particulièrement de la tortue Luth, la plus grosse tortue marine du monde, mesurant en moyenne 1.70 m de long, et réputée pour ses apnées en profondeur possible pendant 1h30. Pacuare accueille une association internationale, gérée par les ticos eux-mêmes, très impliqués au quotidien dans la protection de la faune et de la flore de leur pays, où les volontaires, composés de jeunes étudiants, pour la plupart Costariciens, Européens (beaucoup d’Espagnols lors de notre séjour) ou Américains, se succèdent par périodes de 1 mois minimum à 6 mois environ, pour un travail quotidien de surveillance, de recensement et de protection de la population des tortues marines. La saison de pontes des tortues Luth s’étend de mars à aout, avec un pic avant juin, et nous sommes en plein pic des naissances, pour notre plus grand bonheur ! Le jour de notre arrivée, nous avons bénéficié d’un briefing de plus d’une heure avec un jeune volontaire espagnol qui nous a expliqué tout le travail réalisé. Il est notamment basé sur des rondes de nuit et du petit matin, sur la plage, à la recherche de pondeuses. Ces rondes sont épuisantes car il faut marcher à chaque fois 12 km dans le sable pour couvrir les 6 km de plage aller et retour, entièrement couverts de sombre, et sans lumière, pour ne pas effrayer les tortues. Les anti-moustiques sont interdits, pour ne pas soumettre l’animal aux effluves des produits chimiques, il fait donc vite chaud sous les vêtements longs ! les équipes se succèdent en trajet individuel, éventuellement accompagné de quelques touristes comme nous, avec des départs à 20h, 21h et 22h, permettant de couvrir la plage jusque minuit environ. Bien sûr si une tortue est remontée, c’est une autre affaire, car tout le travail d’observation commence à la lumière rouge : tout est noté, moments, lieux, mesures de l’animal, baguée si elle ne l’est pas encore, moment dans laquelle elle a été trouvée, et il faut attendre la ponte pour recueillir les œufs dans un sac au moment de leur chute dans le trou, pour pouvoir aller les ensabler dans la nurserie, un endroit protégé et gardé de la plage (gardiens toute la nuit) : en effet, les tortues Luth sont en telle voie de disparition que les programmes de protection actuels ne permettent pas de « laisser faire la nature jusqu’au bout » : les œufs sont trop vulnérables si ils ne sont pas surveillés, victimes des prédateurs animaliers (ratons laveurs) et humains (braconnage, les croyances ont toujours la vie dure en 2022, les œufs de tortue étant réputés pour leur qualité notionnelle et aphrodisiaque !) . Tout ce travail peut alors durer toute la nuit ! Nous avons pu effectuer une ronde avec une volontaire espagnole présente sur le site depuis 5 mois, avec Basile et Pierre : couverts par nos ponchos de pluie, ayant l’avantage d’être couvrants totalement et sombres, nous avons transpiré sur cette plage sur 8 km ! presque 2 heures de marche, à éviter la végétation, les crabes, et à scruter avec espoir la possibilité de trouver une pondeuse. Les chances étaient faibles car le pic de ponte est passé depuis juin, les dernières tortues Luth ayant été observées il y a 15 jours. Petite possibilité aussi de voir une tortue imbriquée, ou une tortue verte. Malgré une jolie lune qui nous facilitait la visibilité, nous n’avons rien trouvé, mais la promenade fut riche d’échanges avec la volontaire sur la vie des Tortues Luth… Les nids quant à eux sont donc déplacés dans une sorte de nurserie, une zone naturelle de la plage bien délimité et surveillé, et régulièrement visités par les volontaires, pour voir si des naissances ont lieu. Nous avons une chance immense, celle d’être là pendant le pic des naissances ! Une soixantaine de bébés sont nés le premier jour, nous permettant d’assister à leur re-largage protégé sur la plage. Mais c’était sans compter les prédateurs, il faut user de patience car la frégate rôde au-dessus de nous, sentant bien le repas arriver. Une seule frégate, peut, à elle seule, capturer 30 à 40 bébés d’un coup en les stockant dans son système digestif ! Nous comprenons alors l’importance de rester patients, ravalant notre frustration. C’est seulement à la tombée de la nuit, dans un combat mental de patience entre la frégate et nous !, qu’elle finira par capituler et reprendre son envol vers le large. Go !! on trace une délimitation au sol à ne pas franchir, la zone de départ, et voilà les bébés sont posés au sol, traçant leur voie dans un spectacle émouvant de petites nageoires qui repoussent le sable pour gagner les premières vagues… On est ébahis, émus, c’est tellement beau, et terrifiant à la fois : une seule tortue sur 1000 reviendra, à l’âge adulte, pondre sur cette plage : voilà pourquoi il est si essentiel de protéger les naissances et permettre au plus grand nombre possible de bébés de gagner la mer… Zoé est triste à l’idée que ces bébés ne connaitront jamais leur maman… quels privilégiés nous sommes déjà ! Et le rêve continue le lendemain : au retour d’une balade en bateau en fin d’après-midi, les volontaires nous disent qu’ils ont surveillé les nids et pas de naissance pour le moment, le dernier passage de surveillance ayant eu lieu il y a une demi-heure. Avec Basile, on est motivés, on marche sur la plage jusqu’à la nursery, au cas où : et là, surprise, il repère aussitôt, en parfaite sage-femme !, un nid qui grouille de bébés fraichement émergés du sable !!! Il court prévenir les volontaires au campement, et notre guide du matin arrive et nous permet de participer activement avec elle aux mesures !! Gant de latex pour la main gauche, celle qui saisit le bébé, réglette de précision dans la main droite, on doit mesurer la longueur, la largeur et peser 20 bébés par nid pour obtenir une moyenne : je peux vous dire officiellement que d’après notre petite expérience, la carapace d’un bébé tortue Luth mesure environ 60 cm de long pour 40 cm de large et le bébé pèse 45 grammes !!! Une merveilleuse leçon de vie pour les enfants : s’entraîner à la diction des chiffres en anglais et en espagnol, utiliser une réglette de précision, communiquer en anglais avec les volontaires, pour Zoé lire les nombres sur la balance, en plus d’appréhender la tenue d’une seule main d’un tout petit bébé tortue, dont les nageoires se démènent en continu dans un mouvement réflexe de survie : gagner la mer ! Nous les re-larguons aussitôt à la mer, par chance la frégate n’est pas là, ouf. Une course effrénée commence sur le sable pour cette cinquantaine de bébés, jusqu’à ce qu’elles se fassent progressivement avaler par l’écume des vagues venant lécher le sable. Nouvelle tristesse pour Zoé… Nous pensions avoir terminé notre travail, mais dès 21h, alors qu’il faisait nuit depuis longtemps et que nous étions retranchés dans nos chambres, on vient toquer à la porte : trois nouveaux nids viennent d’éclore ! et c’est reparti pour le travail de mesure, mais il y a cette fois environ 160 bébés au total et donc 60 bébés à mesurer ! Cette fois, photos et films interdits, afin que la lumière des écrans ne perturbe pas les bébés dans la nuit, seule la lumière rouge des frontales est autorisée pour y voir les mesures et retranscrire les chiffres dans la base de données. Le re-largage au clair de lune, qui est pleine ce soir, est encore plus particulier, confidentiel, on se sent littéralement invités par la nature à partager des moments habituellement totalement secrets…Enième nostalgie pour Zoé, Félix est fier d’avoir partagé ces instants avec le groupe et d’avoir pu communiquer en anglais, et Basile quitte les lieux en soupirant : « le plus beau moment de ma vie » me dit-il…




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