C’est le grand jour : on ne se le dit pas mais je pense que Pierre comme moi avons stressé dans nos moments d’insomnie en pensant à la piste qui nous attend pour rejoindre notre deuxième campement au Cape Arnhem.
Les voisins australiens nous l’ont bien décrite : d’abord une descente, un peu spectaculaire, qu’il faudra faire en mode Low 4x4, puis une zone sableuse de forêt avec un chemin très étroit, où il est impossible de se croiser, qu’ils ont dû débroussailler branche par branche pour permettre à la hauteur de leur camping-car 4x4 de passer (ils ont alors mis 4h pour faire 20 km à l’aller contre 1h30 au retour !!), puis on doit dégonfler les pneus à un point stratégique indiqué, puis on passe en mode High 4x4 quand on arrive sur la plage, pour rouler dans le sable mou, trouver le bon rapport de vitesse, ne pas s’arrêter. Puis on passe sur une piste dans les dunes, ça monte, ça descend, quelques obstacles, et on devrait finir par trouver notre campement.
C’est parti ! Hop ! Un kangourou qui file devant nous sur le chemin, sera-t-il de bon présage ?
La descente semble offrir un point de vue magnifique sur toute la baie mais on est tellement concentrés qu’on a à peine le temps de le voir ! La conduite sur le sable de la plage est une autre affaire, c’est superbe sur ce sable blanc, avec les vagues qui scintillent à côté, mais c’est "méga tendu du string", on patine, on châsse, ne pas s’arrêter, retrouver les traces même si on en sort… La partie dunes est un peu sport aussi, mais les traces sont bien faites, le sable est plus tassé, c’est étroit, impossible de croiser quiconque dans l’autre sens !
Après 1h15 de route au total depuis notre précédent campement, on est soulagés de découvrir notre nouveau spot, Pierre a droit aux applaudissements de tous !!
Quel chouette endroit ! On domine la plage qui est juste en contrebas, il y a même des balançoires improvisées ! On va enfin pouvoir profiter de la vue, de la brise, et du fait de n’avoir rien à faire de particulier sauf de se laisser aller dans ce décor brut et doux à la fois…
Après la sieste, on part avec Pierre explorer les rivages, la pointe contourne un site sacré aborigène, les roches sont d’un aspect « léopard » surprenant. Une famille aborigène est venue s’installer tout près de nous sur la plage pour leur pique-nique du dimanche : ils pêchent, font cuire leur poisson à même la braise, et ont récolté des œufs… de tortue !! On engage la conversation, ils sont curieux de savoir qu’on vient de France, eux nous disent être des « locaux du Homeland », c’est ainsi qu’on appelle le bush aborigène. Ils ramassent les œufs dans les nids sur la plage (toute la baie du Cape Arnhem est un grand lieu de ponte) et en sont friands, crus (ils les sucent à même la coquille qui est souple et facile à percer), ou en œufs durs. Ils mangent aussi les tortues, en famille, après les avoir capturées à l’occasion de leur remontée sur le sable pour la ponte. Ils font ensuite de l’art sur la carapace, qu’ils vendent.
Les tortues sont protégées, mais il semble qu’il y ait, comme en Nouvelle-Calédonie, une forme de tolérance exceptionnelle culturelle pour les peuples indigènes qui en consomment traditionnellement et de façon épisodique.
Ils nous expliquent qu’ils mangent aussi les kangourous, on comprend mieux pourquoi ces bêtes sont si farouches à l’approche de l’homme dans cette région ! La conversation est finalement facile, on serait bien restés plus longtemps, mais on ne veut pas les déranger plus longtemps dans leur repas qui s’apprête à être débuté. Quelques minutes d’échange et de rencontre improvisées avec les aborigènes, sur leurs terres : voilà un chouette moment, il ne manquait plus que ça pour parfaire le séjour ! L’autre côté est parcouru avec Zoé, une belle plage de sable clair à la lumière descendante, comme sait si bien les créer l’Australie.
Au coucher du soleil, je pars vers le bush derrière nous pour chercher les kangourous : ils sont partout, tellement bien dissimulés ! Leur robe dorée se confond parfaitement avec les herbes sèches allumées par la lumière orangée de la fin de journée. Je fais quelques clichés sans pouvoir m’approcher, ils détalent dans tous les sens et de tous les côtés au moindre bruit suspect ! On entend encore une fois leurs coups de pattes qui résonnent, impressionnants sur le sol. Le sable est plein de leurs traces de queue ! Leur vitesse de bonds est sensationnelle.
C’est encore une belle journée qui s’achève autour du feu, on fait cuire des saucisses et nos éternels chamallows…
Lever avec le soleil le lendemain, la grande route du retour nous attend avec la nuit dans la ferme de Mainoru Station.
Le chemin 4x4 de sable est bien mieux apprivoisé, on prend du plaisir à glisser dans les dunes, les kangourous bondissent partout autour dans cette lumière magique du petit matin, et l’arrivée sur la plage donne un sentiment de liberté totale ! Les enfants grimpent sur le toit pour un nouveau tour de manège, on leur doit bien ça avant la longue route à venir ! Fou-rires au-dessus de nous pendant qu’on se concentre sur les bosses, les virages, les branchages, les oiseaux qui s’envolent devant la voiture, un grand kangourou bondit juste devant sur le chemin, quel spectacle !
Puis on utilise enfin le compresseur pour regonfler les pneus pour la dernière montée avant la poursuite de la piste rouge qui nous attend pour presque 500 km aujourd’hui.
On est bien sales, la douche de ce soir sera très attendue dans la ferme du bout du monde, mais on est fiers et heureux d’avoir réussi à vivre ça !
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