

Pour ce deuxième jour au Cambodge, nous partons pour le lac Tonlé Sap, à une heure au sud-est de Siem Reap.
Le Tonlé Sap est le plus grand lac d'Asie du Sud-est, véritable mère nourricière du pays, coeur des terres khmers qui gonfle et se dégonfle au rythme des moussons.
A la saison des pluies, le lac enfle au point d'inonder les forêts et les champs alentour en multipliant sa surface par 4 et sa profondeur par 10! A la saison sèche, il se déverse dans le Mékong, et les plaines inondées mises à nues servent alors de formidable limon pour les cultures. C'est une eau douce parmi les plus poissonneuses de la planète, qui fait vivre tout un monde à part, des milliers de villageois sur pilotis ou sur villages flottants.
Sophany nous fait la belle surprise de se joindre à nous, elle pourra ainsi traduire nos échanges avec les hôtes qui nous attendent dans le village de Kampong Khleang, sur la rive Est.
Après une trentaine de minutes de bateau, nous parvenons au village : on amarre et on se hisse sur les pontons sous les pilotis, pour gagner par les escaliers la terrasse supérieure. On est bluffés! C'est grand, c'est beau, plein de charme tout en étant tout simple, et le décor est inédit. Nous sommes donc sur pilotis dans un village où les habitants ne vivent et ne pensent que par l'eau. Six mois de l'année, c'est l'eau qui rythme leurs déplacements, l'école, le marché, le temple, et on se retrouve spectateurs fascinés de cette vie grouillante exceptionnelle. Les enfants se shampouinent et sautent dans ce grand bain, enchaînant les cabrioles, d'autres se déplacent tout habillés, l'eau jusqu'à la taille, les femmes et les hommes conduisent leurs barques, à la rame dans les "ruelles", ou aux assourdissants moteurs sur la voie principale, "la grand route"! Les poulets jouent les équilibristes sur les échelles, des marchandes passent avec des barques pleines à craquer de victuailles, ça s'interpelle, ça rit, ça crie, ça vit. Sur l'eau. Rien que sur l'eau.
On s'accorde une bonne sieste, malgré le vrombissement permanent des moteurs et les musiques de karaoké du voisinage (c'est dimanche, et c'est surtout une fête bouddhique qui marque la fin de la saison des pluies) puis on embarque nous-même pour gagner la partie libre du lac, en espérant un joli coucher de soleil après cette journée nuageuse (une petite pluie fine a même accompagné toute notre matinée).
C'est la fête aussi sur le lac : des dizaines d'embarcations pleines de jeunes gens se font la bataille d'eau, c'est très amusant à regarder! Ils ne se lassent donc pas d'être mouillés du matin au soir, ils en redemandent encore!
On s'octroie un petit apéro sur l'avant de notre barque, et on regarde le spectacle. L'eau partout, les ombres chinoises face au couchant, les rires des villageois, les courses de barques, on est bien!
Il fait nuit quand on rentre, la soirée passe vite entre petit verre de rouge avec Sophany (bouteille ramenée par ses soins!), repas, douches, jeux de société avec notre hôte (c'est toute la famille qui participe à la gestion de la guest-house, et on dort tous ensemble avec eux dans cette immense pièce unique, avec des rideaux de séparation, et des sommiers à balancelle pour certains!).
Les allers et retours et leurs bruits de moteur durent longtemps dans la soirée, la musique du karaoké voisin ne cède qu'un peu avant minuit (vive les boules-quiès!), mais on s'endort avec cette douce sensation de tangage, on entend l'eau qui clapote sous le plancher...
Le lendemain matin, réveillés tôt par la cacophonie des coqs et des barques qui reprennent leur vie, le spectacle du quotidien recommence devant nos yeux : les femmes qui vont au marché et reviennent la barque pleine, les barques du ramassage scolaire qui viennent faire leurs tournées au pied de chaque pilotis, le petit déjeuner est animé!
Nous quittons nos hôtes plein de reconnaissance d'avoir eu la bonne idée d'imaginer un tel accueil, tellement insolite, on a vécu une autre vie pendant quelques heures. Incroyable d'imaginer que l'eau disparaitra dans quelques semaines, et que les motos, au sec en l'air dans les habitations, redescendront dans les rues pour remplacer les tonitruants moteurs des bateaux!
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