Ce matin sur le plateau du Waterberg, c’est un moment très attendu qui s’annonce: notre approche à pieds des rhinocéros blancs du parc.
Le Sud de l’Afrique compte environ 20000 rhinocéros blancs et 8000 rhinocéros noirs, ces deux espèces étant parmi les plus menacées d’extinction sur la planète.
Le pic de braconnage a été atteint en 2015 en Namibie, avec 91 rhinocéros tués sur l’année, un chiffre effroyable qui a éveillé les consciences nationales : un programme de « décornation » a alors été mené par le gouvernement, sans succès. En effet, la corne faite de kératine, repousse comme les ongles, le traitement n’est donc pas définitif et impose un stress répété aux mammifères en lien avec les anesthésies. C’est donc un programme de surveillance rapprochée qui s’est mis en place, en coopération avec les réserves privées, le gouvernement, la police et l’armée : on protège ces précieuses espèces en les surveillant 24h sur 24, 7 jours sur 7. Ce sont les « rhinos patrols », composées de deux à trois locaux armés (de Kalachnikov quand même!), qui veillent en continu sur ces précieux animaux sauvages.
Nous sommes partis à 8h pour une marche de deux heures dans une chaleur déjà accablante.
On foule le sable orange, on suit les traces de différents animaux : les petites mains des babouins pour commencer, puis les toutes petites traces des Dik Dik Damara, cette espèce d’antilope microscopique absolument craquante, les traces des Springboks, des Oryx… Je demande si on peut croiser des girafes : « maybe but… », la sécheresse maximale les pousse à avancer loin dans le parc pour chercher des feuilles vertes, rien n’est donc sûr.
Au bout de quelques minutes supplémentaires de marche, voilà qu’on trouve les traces de leurs sabots (bien grosses!!), et boum! On tombe sur trois girafes, si hautes depuis notre point de vue humain à ras du sol, qui broutent dans les bosquets face à nous. C’est juste génial comme sensation!! On ne bouge plus, on les observe, elles sont très sensibles à notre présence et nos mouvements ont vite fait de les faire s’éloigner si on s’approche trop près. En considérant la hauteur de leurs pattes, je peux vous dire qu’elles nous mettent très rapidement de la distance!!! Mais en restant très discrets, on profite d'un spectacle inouï!
On continue notre progression, et au bout d’une heure de marche, on trouve enfin les gardiens, donc les rhinocéros, parfaitement surveillés ! Il s’agit d’une famille de sept spécimens, blancs, avec un petit, ils sont si calmes, placides même : de grosses vaches en somme, avec un petit air de dinosaure incontestable!
On entame nos discussions avec le guide et les gardiens. Les rhinocéros n’ont pas d’autre prédateur que l’homme. Seul le lion peut s’attaquer au bébé jusque 2-3 mois, avant que leur cuir ne devienne trop épais pour que ses crocs puissent y faire quoi que ce soit!
L’essentiel du braconnage sert à fournir le marché noir vietnamien, où la poudre de corne de rhinocéros se vend à prix d’or (et même plus cher que l’or!) pour des croyances sur son effet anti-cancéreux… incroyable que de la simple kératine puisse faire vivre tant de fantasmes encore actuellement.
La dernière tentative d’attaque dans la Waterbreg Wilderness date de 2022, heureusement sans succès pour les braconniers. Les gardiens peuvent tirer dans les bras ou les jambes des assaillants, mais n’ont bien sûr pas le droit de tuer volontairement les braconniers; à l’inverse ils risquent leur vie pour l’animal.
Un bébé est présent, c’est très mignon, même pour ce genre de gabarit bien musclé!
Bientôt le groupe se sépare, et le guide nous propose de suivre les quatre mammifères qui progressent vers les bosquets : il pense qu’ils vont se diriger vers le point d’eau, avec des arrêts grignotage sur le chemin.
On avance plus vite et on parvient au point d’eau alors qu’ils n’y sont pas. On se pose à l’ombre d'un arbre, à l’abri de l’air brûlant, et on attend. Viendront-ils ?
Alors que le guide commence à envisager notre retour- un véhicule doit venir nous récupérer- on les voit soudain surgir du fond de la piste : un premier, en tête, sort des fourrés et s’avance lentement mais déterminé, en notre direction.
On devine les autres compagnons qui progressent derrière. C’est extrêmement impressionnant de les voir arriver face à nous, on mesure toute leur puissance et toute notre vulnérabilité potentielle.
C’est simple, on dirait des boxeurs qui pénètrent sur le ring, il ne manque plus que la musique de Rambo !!!
L’un d’eux va s’abreuver, puis rejoint ses comparses à l’ombre de l’arbre qui nous fait face, à une vingtaine de mètres.
On se retrouve alors dans le calme absolu du bush, dans la poussière du sable, bercés par la brise et écrasés de chaleur: une envie de sieste monte de part et d’autre, pour les Humains comme pour les Rhinocéros, et dans cet instant précieux et incroyable, on se dit que l’universalité des besoins du vivant nous réunit… On cale nos souffles sur le leur… Douce somnolence… Il est dix heures, une matinée de fin de saison sèche en Namibie, et on se dit que ça ne semble pas si compliqué de vivre en harmonie les uns avec les autres… Les yeux se ferment quelques secondes, la confiance est là, de toutes parts, tout simplement…
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