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Une dernière journée bien animée

On y est, c’est notre dernier jour au Khirghizistan… On quitte Issyk Kul pour regagner Bishkek, notre avion décolle très tôt demain matin.

On s’arrête dans un premier temps à Bonkobaev chez Aslan, aiglier, que Natacha connait bien. Nous sommes reçus dans son jardin.

L’art de la chasse à l’aigle est ancestral en Asie Centrale, indispensable historiquement pour la chasse en hiver rendue difficile par la neige, avec du gibier rare.

Il persiste 7 familles d’aigliers au Khirghizistan dans ce village, et deux autres dans le reste du pays. C’est une tradition qui se transmet de père en fils, hautement respectée dans la société nomade. Les aigles aident alors l’Homme à capturer les proies et les immobiliser en attendant que le chasseur parvienne à elles, et sont plutôt de gros volume, tels les renards ou les lynx. Les lapins par exemple sont des proies trop rapides pour l’aigle, ils sont plutôt chassés par le faucon.

Un aiglier est particulièrement attentif au cycle de reproduction des aigles, et Aslan nous confirme qu’à l’heure actuelle l’aigle n’est pas menacé dans le pays, le nombre de nids étant constant chaque printemps. L’aiglier capture l’aigle qu’il va garder une petite dizaine d’années, soit dans le nid au stade d’aiglion, à condition que le nid comporte bien deux œufs, pour en laisser un au couple, soit au stade adulte à la technique du filet. Il va ensuite passer de longs mois à l’apprivoiser, en lui apprenant à partir et revenir vers son maître.

L’aigle que nous présente Aslan est une femelle de 16 ans qu’il a capturée à 8 ans, les femelles sont plus imposantes que les mâles. Son envergure est de 2 mètres, elle émet des cris stridents continus douloureux pour les oreilles ! On assistera à une petite scène impressionnante où elle scrutera dans un regard tueur l’approche du chiot de la maison, et foncera sur lui, heureusement retenue par la chaîne qui la lie à son maître : le chiot a compris qu’il ne fallait pas revenir rôder dans les parages !

Au bout de dix ans environ, l’aiglier rend systématiquement la liberté à son animal, qui peut vivre ensuite dans les montagnes jusque 60 ans ! Le processus de « desapprivoisement » (totalement inventé, le mot) se fait alors en quelques semaines, où le maître très investi va et vient initialement tous les jours dans la montagne pour nourrir l’aigle puis s’assurer qu’il a repris ses méthodes de chasse naturelle, l’activité de chasse n’ayant jamais été perdue puisqu’utilisée à son plus fort potentiel dans ses années de captivité : l’aigle doit simplement ré-apprendre à tuer sa proie une fois immobilisée.

Aslan nous propose de porter la femelle avec son gant de cuir très épais : c’est très lourd à bout de bras : 5 à 6 kg ! C’est un animal impressionnant tout de même… On sent un profond respect pour ces familles qui ancestralement permettaient aux clans de continuer à se nourrir l’hiver, la vie des Hommes dépendait alors complètement de l’aigle, devenu un totem puissant dans les croyances chamaniques.

Nous voilà repartis, il fait de plus en plus chaud, c’est maintenant un environnement montagneux aride qui longe le chemin. Pause repas brochettes au bord de route (les toilettes, hum, les toilettes !!), on est maintenant impatient de gagner Bishkek, où le grand marché d’Osh nous attend : je voudrais trouver un grand boutis comme dans les yourtes pour nos soirées télé, Natacha a prévu de m’emmener dans la section de l’ameublement et des dots, car ces beaux plaids ne sont habituellement et étonnamment pas spécialement vendus aux touristes.

Mais voilà qu’à 30 km de l’arrivée, le radiateur fume à nouveau, la voiture tousse, on doit s’arrêter plusieurs fois, tenter de refroidir le moteur à coups de litres d’eau prélevés à la rivière… Je sens mon marché me passer sous le nez, on attend patiemment assis à l’ombre sur les talus. Nikolaï finit par abdiquer et propose de « nous appeler un taxi » pour nous emmener à Bishkek. C’est facile, le taxi par là ! On arrête une voiture sur le bord de l’autoroute, et hop, voilà un gentil couple de retraités dans leur petite titine qui sont ravis de nous prendre à bord, avec Natacha ! Bon les fenêtres ne s’ouvrent pas à l’arrière (il n’y a plus de poignées !), mais le monsieur s’en amuse et nous demande si on n’est pas effrayé de monter dans sa voiture ! Ca nous fait rire, on lui dit au contraire qu’il nous sauve notre fin de journée ! Militaire à la retraite, on fait conversation jusqu’au centre ville avec ce couple bien sympathique, qui refusera tout dédommagement de notre part !

Nous voilà revenus sur le grand marché de Osh, la chaleur est forte, le ciel bleu pur, comme à notre arrivée ! La voix féminine scande toujours ses petites annonces, ça fourmille de partout, j’adore ces ambiances ! Je trouve rapidement mon boutis rêvé, dans des tons chatoyants de fushia, vert canard et orange ! On enroule ça minutieusement, ça pèse 5 kg mais on est large côté poids et accroché au dos du sac à dos ça fera bien l’affaire. Je suis ravie ! et mon homme me suit ! On passe ensuite dans les ruelles de l’ameublement : coffres colorés, feutre au mètre, coton en vrac, les fameux berceaux-chevaux, et des instruments de puériculture étonnants qui servent à recueillir les urines des bébés pour éviter le port de couches ! Version fille version garçon, je ne peux pas résister à en emmener un exemplaire de chaque pour poser une colle à mes collègues de l’hôpital en rentrant !

Nous revenons au salon de thé du quartier français, où Natacha nous offre un délicieux repas de gazpacho, crêpe fourrée aux légumes et glace maison, puis nous gagnons notre hôtel pour une courte nuit : il nous faudra partir à 3h30 ! Natacha et Nikolaï n’auront pas dormi de leur côté, faisant leur comptabilité, et nous emmènent à l’aéroport pour notre dernier trajet : on a retrouvé le pot de yaourt tunné !! On est un peu triste de quitter ce couple si attachant, Nikolaï, notre ange-gardien jusqu’au bout, revient nous dire un dernier au-revoir alors que la voiture est mal garée…

On quitte le Khirghizistan si dépaysant, des couleurs et des lumières plein la tête : EPOUSTOUFLANT KHIRGHIZISTAN !!!

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