
Ce matin avant de prendre la route, il nous faut passer par le bazar d’Och pour faire le plein de provisions pour les pique-nique à venir. C’est l’énorme marché principal de Bishkek, le cœur commercial de la ville. Un dédale de ruelles, tantôt couvertes, tantôt à nu, des mendiants handicapés à l’entrée comme une cour des miracles, une voix féminine qui scande des petites annonces dans un haut parleur, l’effervescence est ici à son comble.
Nicolaï nous emmène d’abord vers les étalages de fruits secs, impressionnants ! Dattes, abricots secs, pruneaux, amandes, noix décortiquées, noix de cajou, il y en a pour tous les goûts, il nous en fait acheter 1 kg de chaque !! Côté prix, on s’en sort pour 16 euros pour 8 paquets de 1 kg de différentes sortes de fruits secs et fruits à coques, imbattable… même si ça nous semble déjà haut pour la moyenne des denrées alimentaires ici. On va ensuite chercher de la viande fumée : passer à travers l’immensité de la zone boucherie est une épreuve pour le nez comme pour les yeux, mais ce qu’on nous fait goûter est, il faut le reconnaître, délicieux. Les fruits sont présents en abondance également, mais ils proviennent majoritairement de Tachkent, en Ouzbékistan, pays voisin. Nicolaï nous aide heureusement à limiter les prix, qui s’envolent immédiatement pour les touristes !!
Nous voilà partis après le plein d’eau et les dernières vérifications pour le 4x4, on quitte Bishkek pour gagner progressivement la campagne, puis attaquer la montagne. On va progressivement mais assez rapidement tout de même passer de 800 mètres à 3586 mètres au niveau du col de Too-Ashuu, et la voiture va également nous montrer des signes de faiblesse dans la montée, culminant péniblement à 30 km/h ! On s’arrête, le radiateur est en surchauffe : avec Pierre on s’inquiète sérieusement pour la suite du périple, vu que la moyenne du parcours est aux alentours des 3000 mètres ! Mais Nicolaï nous garantit que c’est « normal, normal » et nous dit même par Google Translate que sa voiture peut nous emmener en France, malgré ses 340 000 Km au compteur !
De toutes façons, on n’a pas d’autre choix que de faire confiance, alors on attend les 5 litres d’eau qu'il va chercher dans le ruisseau et qu’il verse sur les pièces fumantes… Les vues sont déjà cependant magnifiques, et on finit par reprendre la route. Une fois le col atteint et déjà quelques belles prises photographiques, effectivement la route redescend, la voiture retrouve une forme olympique et nous profitons de l’horizon incroyable qui s’offre à nous.
Ce pays semble prometteur, il va nous en mettre plein la vue ! C’est le moment des premières yourtes et premières roulottes turquoises au bord de la route, aux petites cheminées fumantes, et bientôt des étalages de kourouts (boulettes de fromage de brebis ou de vache dont raffolent les Kirghizes ; le « Petit Futé » nous prévient : haleine de poney garantie pendant 3 jours, alors on va éviter !!!). On finit par s’arrêter dans un « routier » sur la plaine, qui vaut le détour ! Premier « shorpa »: bouillon gras parfumé à l’aneth, dans lequel trempent des morceaux bien gras également de mouton, la viande nationale. C’est plutôt mangeable, surtout accompagné de quelques mantys et de thé. Les toilettes sont une véritable épreuve, encore une fois, mais la vue en face sur la plaine et quelques yourtes tellement dépaysante !
Et la route recommence jusqu’au coucher du soleil, nous arriverons à la nuit tombée à Kyzart. La piste est somptueuse, dévoilant des paysages très différents d’une heure à l’autre, sublimés par la lumière de fin de journée. Rivières bleues, plaines d’orge vert, étendues orangées de cailloux, gorges rouges, falaises ocres, collines dorées, le tout sous un ciel bleu profond, on est déjà bien gâtés par cette première journée de route. Le 4X4 roule maintenant comme un chef, c’est effectivement un vrai véhicule de pistes sauvages !
Petit stop dans un mini-musée de campagne sur la vie nomade, dépouille de panthère des neiges, vieilles photos de héros nationaux, matériel d’équitation ou d’agriculture, la famille qui tient les rennes de ce petit bâtiment modeste a des airs de la famille Ingalls version Asie Centrale, c’est plaisant !
On découvre aussi les premiers cimetières particulièrement photogéniques mais Nicolaï nous fait comprendre qu’il est mal à l’aise avec le fait qu’on puisse photographier ces monuments : pour lui, c’est comme si l’on discutait avec les morts. Je respecterai donc son malaise et garderai pour moi ces belles images perchées sur les collines.
Nous arriverons enfin chez l’habitante qui nous reçoit pour la nuit dans Kyzart, ayant eu bien du mal à trouver l’habitation dans ce village aux allures décrépies mais dont la rue principale semblait interminable ! Le repas est délicieux (soupe, pommes de terres rissolées) : on parle avec Nicolaï, entre gestuelles, tons, et Google Translate on arrive à peu près à se comprendre, il ne parle pas du tout anglais, on va donc se mettre au russe ! On apprend ainsi qu’il est mécanicien, on comprend mieux sa zénitude tout à l’heure dans le col avec le radiateur fumant ! Nous voilà donc pleinement rassurés !
La déco des lieux est particulièrement kitsh (nappe en toile cirée aux motifs de roses dorées, horloge murale, suspension de luminaires), les branchements électriques sûrement pas aux normes, mais il y a une salle de bain avec toilettes, le grand luxe ! La grande fenêtre ouverte dans notre porte de chambre ne nous empêchera pas de nous endormir rapidement, la route a été physique malgré tout, et a duré dix heures pour 400 km ! Ouf!