Ce lundi 1er avril doit signer le retour du soleil à Fès, c’est donc dès mon réveil à 7h30 que je monte sur la terrasse capturer les premiers rayons : bon, finalement, encore pas mal de nuages, mais l’air est empli du chant des oiseaux, du roucoulement des pigeons voyageurs (un élevage sur le toit d’à côté), du hennissement des ânes et des cris des coqs. On patiente encore un peu et voilà que le ciel est totalement dégagé. On ne résiste pas à l’improvisation du petit déjeuner sur le toit terrasse, quitte à payer cher en courbatures musculaires pour la montée et descente des plateaux chargés le long des escaliers en enfilade (et toujours inégaux, scabreux pour les plateaux!).
Hum que c’est bon, on peut enfin sortir les lunettes de soleil et se délecter de sa douce température sur les visages !
En milieu de matinée, nous voilà prêtes pour suivre un ami de Youssef mandaté pour nous accompagner sur les endroits qu’on tient à visiter dans la médina. Youssef craint pour sa situation, s’il est surpris en train de nous balader de site en site, il risque la prison pour « exercice de faux-guide »… L’ami trouvé n’est pas bavard, pressé, mais finalement peu importe, il nous amène là où on le souhaite !
On commence par les tanneries de Guerniz : Fès est célèbre dans le monde entier pour son travail du cuir, on ne peut donc pas louper les fameuses vasques ! Celles-ci sont les plus petites, et la visite est plutôt agréable dans le soleil frais de cette matinée. On nous fournit des bouquets de menthe pour se préserver des mauvaises odeurs et on monte sur les terrasses d’une boutique pour comprendre les processus… Le travail semble très physique, quelques élans d’odeur de charogne nous rappellent que la menthe doit rester près du nez ! Mais c’est probablement bien mieux supportable qu’en pleines chaleurs estivales ! Au loin le muezzin appelle à nouveau, les oiseaux chantent toujours, c’est paisible. On redescend pour visiter la boutique : cuirs de chèvre et de chameau sont les plus précieux, douceur inimitable ! Emplettes babouches et ceintures pour certaines, on nous offre à chacune un petit porte-clé babouche doré qui scelle notre groupe des « Fez-toi la malle » ! Ah le girl power, que voulez-vous !
On continue notre déambulation, s’arrêtant tout le temps pour des instants photo (la patience du guide !!), tant les scènes de rues sont ici photogéniques… Marchands en tous genres, ânes chargés qu’il faut laisser passer (« Balek ! Balek ! »), étalages plus colorés les uns que les autres, des caisses d’oranges et de framboises partout, c’est un bonheur pour les sens ! Aux délicieuses odeurs se mêlent parfois des effluves répugnantes, mais c’est tellement vivant !
Nous arrivons sur la place du musée Nejjarine, ancien foundouk (caravansérail) magnifiquement conservé : sa porte est majestueuse… Puis nous nous arrêtons un long moment dans le souk du Henné : une petite cour intérieure arborée magique dans laquelle on vend depuis des siècles du henné mais aussi beaucoup d'autres produits cosmétiques et pharmaceutiques traditionnels tels que le rassoul, le savon noir, le khôl, l’eau de rose, l’essence de jasmin, de lavande, de musc, de fleur d’oranger ... On y trouve aussi de la belle poterie, des antiquités, l’ambiance y est très paisible, loin du tumulte de la foule du labyrinthe. C’est un délice… Nos emplettes commencent vraiment ici ! Je rêverai de pouvoir claquer des doigts et m’y retrouver à nouveau !
Et voilà maintenant la splendide médersa Attarine (ancienne université) : on est subjuguées par la finesse de la décoration : la richesse des motifs de la cour intérieure contraste fortement avec la sobriété des cellules des étudiants, on passe vraiment un agréable moment dans cet endroit unique. On contourne la mosquée et le mausolée de Idriss II, dans lesquels les non-musulmans ne peuvent pas rentrer (la décision date de l’époque du protectorat français, où Lyautey, conservateur monarchiste et catholique, cherche à asseoir la légitimité du sultan en proie à plusieurs rebellions dans le pays, en renforçant le caractère traditionnel de la société marocaine soudée autour de son roi).
On se contente donc de photos de l’extérieur. Les boutiques de tissu puis de tapis continuent de nous en mettre plein la vue, on est presque saoulées de toute cette effervescence de matières, de couleurs, d’odeurs !
C’est alors qu’une urgence intestinale pousse le groupe à retourner VITE au riad : classes en toutes circonstances, on rentre d’un pas enlevé !! Ca tombe bien, on est un peu KO et on a faim, il est plus de 14h ! Tradition oblige, on se fait servir un petit thé à la menthe (toujours sur la terrasse), le temps d’organiser la suite des événements.
Youssef nous explique comment rejoindre le quartier de Bab Boujloud pour notre déjeuner, et on y arrive !! (non sans une ou deux erreurs de direction)
On mange dans la rue cette fois, au milieu de l’agitation ambiante : les pastillas se font attendre mais c’est un régal ! Une boutique de pâtisseries marocaines à profusion nous fait de l’œil, on ne résiste pas à une petite boite en souvenirs ! Les doigts dégoulinent de miel, ça colle sous les pieds ! On gagne ensuite Bab Boujloud, une des portes principales de la médina, imposante, majestueuse, « la porte bleue » est celle des contes des Mille et une nuits !
Otman nous y attend pour nous emmener cette fois vers l’entrée qui mène aux tanneries Chouara, les plus célèbres et les plus grandes de Fès ! On réussit à les rejoindre après un petit jeu de pistes dans des ruelles non pavées, délabrées, où des jeunes s’amusent à nous dérouter : il en faut plus pour nous impressionner !! Puis on découvre la place Seffarine, lieu des artisans du métal, une caverne d’Ali Baba grandeur nature ! On poursuit nos petites amplettes (des petites lampes de génie ciselées feront parfaitement l’affaire pour les garçons !), mais le soleil descend, il est temps de retrouver Otman pour un tour extérieur des remparts de la médina : c’est au coucher du soleil qu’on découvre la vue impressionnante qui s’offre sur la médina depuis le site des tombeaux des Mérinides… On sent que le séjour touche à sa fin et la nostalgie monte déjà dans les cœurs… quartier juif, palais royal, … et requête inattendue à Otman : « pourrais-tu nous déposer au Carrefour pour qu’on aille acheter du vin pour l’apéro ?? » Ni une ni deux, la demande le fait sourire mais il s’exécute et on a droit à l’entrée VIP qui mène à « la Cave » de chez Carrefour !! On s’offre alors un apéro sur les toits de retour au riad, la nuit tombe, on est juste bien et on voudrait que le temps continue à s’étirer… Inimaginable le retour au quotidien du lendemain !!
La soirée se termine au « Ruined Garden », un resto à ciel ouvert dans une cour charmante à la végétation luxuriante, situé tout près du riad : un feu est alimenté au centre, des foutah en laine sur les genoux, on savoure des plats marocains revisités excellents ! Le serveur est enjoué, rigolo, très enthousiaste face à notre clan s’esclaffant sans cesse ! Et lorsqu’il comprend que nous fêtons ici les 40 ans de Soso, il nous réserve une belle surprise : un petit gâteau au chocolat, soupoudré de sucre glace, où il a tracé au doigt un attendrissant « SOFI » : bougies soufflées, happy birthday en arabe, tout y est ! Les verres de lait amenés pour accompagner le chocolat manquent de faire s’étrangler Soizic, mais j’assure le coup et je les siffle les uns après les autres : impossible de laisser quoi que ce soit sur la table face à tant d’attention pour nous ! « Bienvenue » répétera-t-il au moins cent fois ! C’est une certitude, l’accueil ici à Fès fut hors norme ! On repartira des rires plein la tête, et nos adieux à Youssef à 5h du matin, dans le silence feutré de la médina encore endormie, nous laissent le cœur gros…
Fez-toi la malle, et remplis là de l’immense bonheur de cette expérience féminine géniale !!!